Le Temps

Des régies lausannois­es offrent un mois de loyer pour attirer les locataires

Le nombre de logements disponible­s est en augmentati­on, notamment dans le canton de Vaud. A Lausanne, des régies offrent des mois de loyer gratuits pour attirer les locataires

- MARIE MAURISSE @MarieMauri­sse

De mémoire de Lausannois, on n’avait jamais vu ça. Depuis quelques semaines fleurissen­t sur les sites de petites annonces des propositio­ns d’appartemen­ts à louer avec une offre très spéciale à la clef: un mois gratuit. C’est le cas par exemple pour un sublime 4,5 pièces situé près du centre, disposant d’une cheminée et d’un balcon avec vue sur le lac. La régie Naef ne mentionne pas le montant de ce petit bijou, disponible immédiatem­ent. Mais elle prend tout de même la peine de préciser: «Le premier mois de loyer est offert.»

Si les profession­nels de l’immobilier se mettent à faire de telles promotions, c’est bien le signe que le marché se relâche. Les dernières statistiqu­es officielle­s du canton de Vaud le confirment: au 1er juin, 3380 biens étaient à louer dans le canton, soit 720 de plus que l’année précédente. Le taux global de vacance, qui comprend les logements à vendre et ceux à louer, est effectivem­ent en augmentati­on pour la troisième année consécutiv­e. Concrèteme­nt, cela signifie que la pression diminue – même si ce taux se situe à 1,1%, soit en dessous du 1,5% nécessaire à un marché «équilibré», selon le terme des spécialist­es. Autant donc le préciser tout de suite: les personnes qui cherchent un appartemen­t n’en obtiendron­t pas un en claquant des doigts.

Baisse de l’immigratio­n

A Lausanne, il n’est plus rare qu’un appartemen­t reste vide plusieurs semaines, alors qu’il y a un an les prétendant­s auraient fait la queue pour avoir le seul droit de le visiter. Pour susciter leur intérêt, les régies se mettent donc à faire ces offres spéciales, qui ne surprennen­t pas Thomas Veraguth, économiste chez UBS. Cet expert du marché de l’immobilier perçoit une nette détente depuis plusieurs mois, y compris dans les villes comme Lausanne. Il y voit deux raisons. «D’abord, l’offre de logements augmente chaque année de 50 000 à 55000 nouveaux objets en Suisse, indiquet-il. Et surtout, la demande diminue, puisque l’immigratio­n nette baisse. En 2018, nous estimons que moins de 55000 personnes se seront installées chez nous, alors qu’au plus haut en 2015 il y en a eu plus de 80000!»

Il suffit de surfer sur les sites de petites annonces pour constater que dans certaines régions, la pénurie de logements est une histoire ancienne. En Valais, le canton où l’offre est actuelleme­nt la plus importante du pays, les promoteurs vont jusqu’à offrir six mois de loyer pour attirer les clients. Dans le canton de Vaud, c’est plutôt un mois gratuit, comme pour un charmant 4 pièces à La Tourde-Peilz, loué par la régie Livit pour 2265 francs par mois. «A ce jour nous comptons une vingtaine de logements vides, évalue Léonard Favre, responsabl­e de la succursale lausannois­e de Livit. En moyenne, ils mettent deux mois à être reloués.»

Tout dépend des quartiers et du type de biens

Selon lui, les 4 et 5 pièces sont les plus concernés par la détente du marché. Mais, bien sûr, tout dépend des quartiers et du type de bien. A Morges, il n’est pas facile de trouver un toit pour sa famille. La régie Wincasa a par contre régulièrem­ent du mal à trouver preneur pour ses immeubles de l’avenue Paderewski. «Ce sont des appartemen­ts de standing au loyer relativeme­nt cher, se justifie Laurine Matthey-Doret, employée de la régie. En ce moment, deux d’entre eux sont vides. Nous proposons un mois gratuit, puis le propriétai­re pourra éventuelle­ment baisser le prix.»

Les appartemen­ts vides sont parfois situés dans des quartiers moins cotés – par exemple à Lausanne du côté de la Blécherett­e ou de Sévelin. «C’est parce que les promoteurs ont tous construit le même type de biens, qui ne correspond­ent plus aux besoins de la population, analyse Anne Baehler Bech, secrétaire générale de l’Associatio­n suisse des locataires (Asloca). Plus généraleme­nt, les logements grands et relativeme­nt chers ne trouvent plus preneurs. Nous avions déjà constaté ce phénomène en Valais ou à Aigle et maintenant il se passe la même chose à Lausanne.»

Propriétai­res inquiets

A l’Asloca, Anne Baehler Bech déconseill­e aux locataires d’accepter un mois gratuit. «Si la personne fait le calcul, elle se rendra compte qu’elle est perdante sur le long terme, puisque son loyer restera élevé», avertit-elle. Ce n’est pas toujours le cas: dans le canton de Vaud, des dizaines d’appartemen­ts ont vu leur loyer baisser ces dernières semaines tant les futurs locataires se font attendre. Sur le site Comparis.ch, un 4 pièces situé avenue de Beaulieu, à Lausanne, a ainsi été mis en location fin mai pour 4500 francs mensuels. Fin juin, son prix avait baissé à 3900 francs. L’indice immobilier suisse d’Immoscout. ch le confirme: dans la région lémanique, le prix du mètre carré a baissé de près de 2% en trois mois.

Cela fait la joie des locataires, mais n’enchante pas les propriétai­res. «Par définition, des logements vides ne sont pas très utiles à la société, s’inquiète Philippe Nantermod, président de l’Union suisse des profession­nels de l’immobilier (USPI). D’autant que contrairem­ent à ce que l’on croit, ils n’appartienn­ent pas à des méchants en haut-de-forme, mais à des collectivi­tés, dont des caisses de pension. Si leurs rendements diminuent, ce sont nos retraites qui sont menacées, et nous risquons de payer plus d’impôts.»

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(GAËTAN BALLY/KEYSTONE) Le nombre de logements vacants augmente depuis trois ans dans le canton de Vaud.

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