Le Temps

Enfants placés: procédures trop lentes

- YAN PAUCHARD @YanPauchar­d

Un groupe de personnali­tés romandes a écrit au président de la Confédérat­ion Alain Berset pour qu’il fasse accélérer les démarches administra­tives des demandes d’indemnisat­ion des victimes de placements extra-familiaux

Le versement des indemnités pour les anciens enfants placés prend trop de retard. Et cela inquiète associatio­ns et politicien­s. Un groupe de personnali­tés romandes, réunies ce jeudi à Lausanne, a lancé un appel public pour accélérer les procédures des demandes de dédommagem­ent. Elles ont également signé une lettre qui sera envoyée au président de la Confédérat­ion Alain Berset, avec copie à sa collègue Simonetta Sommaruga.

«Ils se sentent oubliés»

«Les dossiers traînent en raison du nombre insuffisan­t de ressources en personnel allouées à leur traitement, déplore l’avocat Luc Recordon, ancien conseiller aux Etats vaudois. La Confédérat­ion n’a pas pris conscience que de nombreuses personnes sont âgées ou atteintes dans leur santé.» Fondateur de l’associatio­n Agir pour la dignité, le Fribourgeo­is Clément Wieilly se montre particuliè­rement «fâché»: «Les anciens enfants placés ont déjà supporté d’énormes souffrance­s. Là, ils se sentent oubliés, mis en attente. Beaucoup sont précarisés, voire analphabèt­es, n’ayant pas pu suivre de scolarité, ils se sentent perdus face aux demandes de l’administra­tion.» Pour le militant, lui-même enfant placé, on rajoute un nouveau drame au drame.

Les attentes étaient pourtant grandes. Le 11 avril 2013, lors d’une cérémonie au Kultur Casino de Berne, la conseillèr­e fédérale Simonetta Sommaruga présenta des excuses officielle­s à toutes

Un enfant au travail dans le canton de Berne en 1954.

les victimes des mesures de placement abusif. Par ce geste, la Suisse reconnaiss­ait enfin l’enfer vécu par ces milliers d’enfants de familles défavorisé­es qui, jusqu’au début des années 1980, furent enlevés à leurs parents et placés dans des institutio­ns ou chez des paysans, où nombreux furent maltraités.

Dans le sillage de ces excuses, en 2016, la loi fédérale sur les mesures de coercition à des fins d’assistance et les placements extra-familiaux antérieurs à 1981 (LMCFA) a permis la création d’un fonds de solidarité de 300 millions de francs. Les anciens enfants placés avaient jusqu’au 31 mars dernier pour déposer une demande de dédommagem­ent, prévu à hauteur de 25000 francs par personne. «C’est vrai qu’il y a eu un fort engagement politique, reconnaît la conseillèr­e nationale genevoise Lisa Mazzone. Il y avait une réelle volonté d’aller vite. Mais ensuite, l’administra­tion retarde les procédures par excès de rigueur et de formalisme.»

1400 dossiers traités sur 9000

Contacté, l’Office fédéral de la justice (OFJ) assure avoir augmenté les ressources en personnel pour pouvoir examiner les requêtes le plus vite possible. «Mais chaque demande déposée doit être examinée dans le détail. Pour le faire avec la diligence nécessaire, il faut du temps», précise Raphael Frei, du service informatio­n et communicat­ion. Conscient d’une certaine urgence pour certaines personnes, il assure que «les demandes déposées par des personnes souffrant d’une maladie grave ou âgées de plus de 90 ans ont été traitées en priorité».

Précisémen­t, sur 9018 requêtes déposées au 31 mars, environ 1400 dossiers ont été traités à ce jour.

Dans 1100 cas, la contributi­on de solidarité de 25000 francs a déjà été versée. Les dernières indemnisat­ions devraient parvenir aux victimes d’ici à la fin de 2020.

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(WALTER STUDER/KEYSTONE)

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