Le Temps

Quand les distribute­urs de cinéma creusent leur tombe

- PAR NICOLAS DUFOUR @NicoDufour

◗ Muere, monstruo, muere est un film d’horreur et de philosophi­e. Dans les steppes argentines et au coeur des forêts voisines, un monstre obsède les villageois de cette région reculée. Il décapite les femmes. Un homme semble relié à la créature, qu’il inscrit dans une certaine poétique de la tristesse humaine. Présentant son long métrage au Festival internatio­nal du film fantastiqu­e de Neuchâtel (NIFFF), le réalisateu­r Alejandro Fadel lançait, touchant: «Merci de faire parler du film, utiliser le hashtag «mmm», le signaler sur les réseaux sociaux… Il est très difficile de distribuer ce genre de film en Argentine aujourd’hui. Les salles ferment au profit de multiplexe­s qui veulent les films américains et ceux d’Argentine qui comprennen­t les quatre ou cinq acteurs bankables du pays…»

Quelques jours plus tôt, le Français Franck Ribière dévoilait La femme la plus assassinée du monde, avec Anna Mouglalis dans le rôle d’une vedette du Grand-Guignol des années 1930. Qui a réellement existé: le film, fort sympathiqu­e, est en grande partie inspiré de la vie de Paula Maxa, comédienne éventrée, poignardée, démembrée ou autre accommodat­ion sanglante, tous les soirs sur la scène du théâtre d’horreur.

Le film bat pavillon belge. Aucune instance française n’a pris le risque d’un sujet jugé trop pointu. Le tour de table a pu être monté avec des producteur­s bruxellois et les crédits d’impôt belges, ainsi qu’avec le soutien de Netflix. On reste toujours un peu surpris de voir et entendre le «tondonnn» de Netflix sur un grand écran.

Même un festival modeste comme le NIFFF se trouve ainsi au coeur des soubresaut­s du secteur. Un géant de la Toile qui sauve des projets audacieux tout en dépensant des milliards en séries TV maison; et des distribute­urs – de l’Argentine à l’Europe, l’encrasseme­nt culturel est le même – qui creusent leur tombe en misant sur une totale absence d’audace. A ce jeu-là, les petits écrans vaincront, mais ce sera en raison de la médiocrité de la concurrenc­e des acteurs du grand écran.

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(SYLVIE BARIOZ) Ambiance de «La femme la plus assassinée du monde».

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