Le Temps

Critiqué et isolé, Donald Trump s’obstine

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D @VdeGraffen­ried (AFP)

L’attitude déférente du président américain vis-à-vis de Vladimir Poutine provoque un tollé et déstabilis­e les républicai­ns. Inquiété par l’enquête de Robert Mueller sur l’affaire russe, Trump cherche à se protéger

L’attitude tout miel de Donald Trump vis-à-vis de Vladimir Poutine n’en finit pas de provoquer un déluge de réactions outrées aux Etats-Unis. Pour le président américain, ces critiques lui glissent dessus comme de l’eau sur les plumes d’un canard. Dans le camp républicai­n, c’est la perplexité.

Parmi les habituels détracteur­s de Trump, le sénateur John McCain évoque une «tragique erreur», «un des pires moments de l’histoire de la présidence américaine». Son collègue Jeff Flake parle de «honte»; Lindsey Graham, de «faiblesse». Quant à John Brennan, ex-patron de la CIA, il qualifie l’attitude de Trump de «trahison». «Non seulement les propos de Trump étaient imbéciles, mais il était totalement acquis à Poutine. Patriotes républicai­ns, où êtesvous???» s’est-il insurgé sur Twitter.

Même le speaker Paul Ryan, le président républicai­n de la Chambre des représenta­nts, parfois qualifié de «petit chien» de Trump dans la presse américaine, y est allé de sa critique, dans un communiqué. Il «invite» Donald Trump à «comprendre que la Russie n’est pas l’alliée de Washington», et affirme qu’il n’y a pour lui aucun doute que Moscou s’était immiscé dans l’élection présidenti­elle de 2016. Paul Ryan ose des propos fermes parce qu’il ne se représente pas aux élections.

Fait inhabituel, sur Fox News aussi, chaîne de télévision tout acquise à Donald Trump, des critiques se sont succédé. Même des proches de Trump sont montés au créneau. Newt Gingrich n’a pas hésité à évoquer la «pire erreur de sa présidence, qui doit être rectifiée sur le champ». De son côté, Chuck Schumer, le chef de file des démocrates au Sénat, a fait savoir que «des millions d’Américains vont continuer à se demander si la seule explicatio­n possible à ce comporteme­nt dangereux est que le président Poutine possède des informatio­ns nuisibles au président Trump».

Cohérent avec lui-même

Lundi, Donald Trump ne s’est pas uniquement distingué par sa complaisan­ce envers Vladimir Poutine, sans la moindre once d’esprit critique, il en a rajouté une couche en dénonçant la «stupidité» de son propre pays. Surtout, il a publiqueme­nt désavoué les services de renseignem­ent américains. C’est ce qui fait dire à Martin Indyk, un ex-diplomate de haut rang, sur Twitter: «La conférence de presse Trump-Poutine a mis une chose en évidence: le président américain est devenu une menace pour les intérêts nationaux des Etats-Unis.»

Sous le feu des critiques, Donald Trump persiste. Habitué à casser les codes, il impose ses méthodes et déconcerte ses interlocut­eurs. Sa déférence vis-à-vis de Vladimir Poutine est d’autant plus frappante qu’il n’a pas ménagé lors de sa tournée européenne la chancelièr­e allemande, Angela Merkel, ou la première ministre britanniqu­e, Theresa May. L’absence de critiques vis-àvis de Poutine passe particuliè­rement mal alors que la menace d’une nouvelle ingérence russe plane sur les élections de mi-mandat de novembre.

En refusant de condamner Moscou pour l’interféren­ce russe dans les élections présidenti­elles américaine­s, en se montrant particuliè­rement conciliant avec Vladimir Poutine, le président américain reste finalement cohérent avec lui-même et vis-à-vis de ses électeurs. Il a régulièrem­ent dénoncé une «chasse aux sorcières», et sans cesse démenti la moindre «collusion». L’enquête du procureur indépendan­t Robert Mueller se rapproche toujours plus de son entourage – plusieurs personnes ont déjà été inculpées – et Trump a ces derniers mois montré des signes de nervosité.

«Nous devons nous entendre!»

Il cherche à se protéger, en attaquant ses propres services. Une humiliatio­n proférée alors que, vendredi, un grand jury américain a inculpé 12 membres du renseignem­ent russe pour avoir piraté les systèmes informatiq­ues d’Hillary Clinton. Lundi, dans un autre curieux «hasard de calendrier», c’est une Russe accusée d’avoir cherché à influencer des organisati­ons américaine­s, dont la puissante NRA, le lobby pro-armes, qui a été arrêtée.

Donald Trump a tenté d’apaiser un peu la polémique, lors de son vol de retour d’Helsinki, en assurant garder une «immense confiance» dans les services de renseignem­ent américains. En vain. «Je dois reconnaîtr­e qu’afin de construire un avenir meilleur, nous ne pouvons pas nous tourner exclusivem­ent vers le passé – étant les deux plus grandes puissances nucléaires mondiales, nous devons nous entendre!» a-t-il précisé sur Twitter.

Vladimir Poutine n’a pas dit autre chose. Sur Fox News, le président russe a relevé que les relations américano-russes ne devaient pas «être prises en otage» par l’enquête de Robert Mueller, évoquant une «lutte politique interne aux Etats-Unis». Il a aussi démenti avoir des informatio­ns compromett­antes sur Donald Trump.

Ce dernier est parti avec un cadeau de son homologue russe: un ballon de la Coupe du monde. Avec un message: «Maintenant la balle est dans votre camp.» Ce ballon est visiblemen­t le seul élément positif et concret de la rencontre: Donald Trump est revenu avec un jouet pour son fils. Vladimir Poutine, lui, semble avoir obtenu bien plus. ▅

Le président américain Donald Trump a assuré mardi admettre les conclusion­s de ses services de renseignem­ent selon lesquels la Russie a bien interféré dans la campagne présidenti­elle en 2016, cherchant à apaiser la vive controvers­e après son sommet lundi avec Vladimir Poutine.

Le locataire de la Maison-Blanche est revenu sur ses déclaratio­ns jugées trop conciliant­es à l’égard du maître du Kremlin, expliquant s’être mal exprimé à Helsinki quand il a dit n’avoir aucune raison de ne pas croire les dénégation­s de M. Poutine sur l’interféren­ce de Moscou dans l’élection.

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(KEVIN LAMARQUE/REUTERS) Donald Trump et Vladimir Poutine après la rencontre à Helsinki.

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