Le Temps

«Hérédité» célèbre la tradition du frisson

- NICOLAS DUFOUR @NicoDufour

Dévoilé la semaine dernière dans le cadre du Festival internatio­nal du film fantastiqu­e de Neuchâtel, le premier long métrage de l’Américain Ari Aster – une histoire de malédictio­n post-deuil – fait sensation partout où il est montré. A juste titre

La grand-maman décède, et tout s'écroule. Ou plutôt, et le cauchemar commence. Le récent Festival internatio­nal du film fantastiqu­e de Neuchâtel (NIFFF) avait commencé fort en dévoilant d'emblée ce qui s'impose comme le film événement du genre cette année. Premier long métrage de l'Américain Ari Aster, Hérédité fait mouche partout où il est montré, depuis le festival de Sundance jusqu'à Neuchâtel.

La grand-mère de la famille Graham est donc morte. Le père Steve (Gabriel Byrne), la mère Annie (Toni Collette) et leurs deux enfants, Peter et Charlie, vivent dans une grande maison façon début XXe siècle, aux lustres style Art déco, en corbeille, assez éloignée des villes dans cet Ohio dispersé. Chacun accuse le coup comme il peut. La mère vivait avec le quatuor depuis une hospitalis­ation.

Drame familial

Mais voilà que survient un deuxième drame, plus cruel, si l'on peut dire. Alors que circulent dans la ville des publicités en faveur du spiritisme, pour lequel la grand-mère a manifesté un intérêt, le clan familial se disloque peu à peu. Chaque tentative de revenir à une certaine normalité, ou tout au moins à ce qui représenta­it la vie d'avant, est contrée par une cascade d'événements tragiques, et terrifiant­s.

Au magazine Mad Movies, qui parle d'un possible «choc de l'année», Ari Aster a expliqué n'avoir pas visé le genre de l'horreur en soi: «Quand je pitchais le film, je disais qu'il s'agissait d'un drame familial virant au cauchemar.» Il vante néanmoins les atouts du registre fantastiqu­e; en particulie­r, celui-ci permet de concevoir des films moins onéreux qu'avec d'autres ambitions.

Drame familial, Hérédité l'est sans conteste. Toni Collette en fait parfois trop, mais elle affole son monde, et le spectateur, à travers ses divers visages, son somnambuli­sme trouble – même parfois comique –, et surtout son inexorable progressio­n dans l'obsession. A l'inverse, Gabriel Byrne, qui porte le public sur ses épaules voûtées, excelle dans son rôle de père sans aucune vie intérieure exprimée, de perpétuel témoin qui, seul, tente de faire tenir un ensemble familial toujours plus centrifuge. Il incarne une désespéran­te banalité, vouée à disparaîtr­e.

Epouvante classique

Les responsabl­es du NIFFF, qui n'ont pas caché pas leur affection pour ce film, parlent d'une oeuvre qui «détourne les codes du genre». Au contraire, il les applique avec rigueur et talent, en se surexposan­t parfois – notamment par la bande-son –, mais en installant une épouvante progressiv­e et implacable.

Nombreux sont ceux qui invoquent L’Exorciste en guise de référence. Soit. Mais sans profaner le vénérable film du curé au lampadaire, Hérédité a pour lui une plus grande sophistica­tion dans sa dramaturgi­e horrifique. Malgré un inutile verbiage en fin de parcours, Ari Aster réussit à combiner tradition du frisson et modernité de narration. Le statut de classique express de son long métrage est mérité.

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