Le Temps

Legartis veut automatise­r le traitement des contrats

- ADRIÀ BUDRY CARBÓ @ AdriaBudry

Les entreprise­s produisent une masse toujours plus importante de documents juridiques. Une start-up zurichoise souhaite confier leur lecture à l’intelligen­ce artificiel­le. Elle vient de lever un million de francs

Lire un contrat? Il y aura bientôt une applicatio­n pour ça. La start-up zurichoise Legartis développe un outil d’analyse automatiqu­e permettant de déceler les clauses présentant de hauts potentiels de litige. Le logiciel est actuelleme­nt testé dans sa version allemande par trois entreprise­s pilotes, dont un grand assureur suisse. Il devrait être décliné en français «dans l’année à venir», avance David A. Bloch, directeur et cofondateu­r de la start-up.

Cette solution «Lifecycle Intelligen­ce Tool», dans le jargon, doit faciliter la tâche des avocats et autres juristes d’entreprise qui doivent parcourir rapidement des centaines de pages de contrats et autres textes légaux.

Logiciel nourri sur internet

«Nous nous intéresson­s à l’entièreté du cycle de vie du contrat. Les dispositio­ns problémati­ques, celles qui manquent ou les formulatio­ns inhabituel­les», détaille l’avocat de 34 ans. Concrèteme­nt, l’outil se fonde sur l’intelligen­ce artificiel­le et les technologi­es d’apprentiss­age et de compréhens­ion automatiqu­es du langage (machine learning), nourries par la grande quantité de contrats disponible­s sur internet ainsi que par les données des entreprise­s pilotes.

Legartis tire son nom de la locution latine lege artis (reprise dans le langage juridique germanique) qui désigne un standard légal commun, comme ceux sur lesquels se base l’intelligen­ce du logiciel.

La start-up vient de terminer son premier tour de financemen­t pour un million de francs, levés auprès de trois investisse­urs, dont l’éditeur bernois de livres de droit Stämpfli Verlag. Elle est aussi soutenue depuis la fin de 2017 par la Commission pour la technologi­e et l’innovation (CTI) pour le codévelopp­ement de son projet de recherche avec l’Université des sciences appliquées de Zurich (Zhaw).

Legartis, qui a lancé son premier prototype en juillet dernier, compte désormais 21 employés, parmi lesquels des juristes mais aussi des ingénieurs informatiq­ues, un ancien d’eBay et de Groupon – Marc von Samson-Himmelstje­rna, l’autre cofondateu­r – et un docteur en linguistiq­ue informatiq­ue de Zhaw.

David A. Bloch ne se pose pas en concurrent des études d’avocats. Il en veut pour preuve que le cabinet Kellerhals Carrard (195 praticiens dans toute la Suisse) est représenté au conseil d’administra­tion de Legartis via son associé zurichois Karim Maizar. Du point de vue des cabinets d’avocats, le logiciel présente, précise David A. Bloch, le double avantage de pouvoir être utilisé pour leur diligence ou proposé comme solution à leurs clients.

Décharger les RH, pas les avocats

«Nous constatons que les entreprise­s externalis­ent de moins en moins les tâches juridiques. Notre logiciel permet surtout de décharger des départemen­ts devant gérer des contrats comme les ressources humaines ou les départemen­ts juridiques et leur permettre de se consacrer à ce pour quoi ils ont été formés», assure David A. Bloch, qui évoque des contacts avec cinq à dix clients potentiels, mais pas de prix. «Cela dépendra d’une combinaiso­n de facteurs: le type de licence, le type d’hébergemen­t des données ou la taille de l’entreprise.»

Associé chez Schellenbe­rg Wittmer, Louis Burrus ne voit pas non plus ces logiciels «enlever du travail aux avocats». Le système informatiq­ue canadien Kira – basé sur une technologi­e similaire à celle de Legartis – est déjà utilisé par de gros cabinets comme un outil permettant de synthétise­r un grand nombre d’informatio­ns lors d’audits de conformité (due diligence).

Pour celui qui est également membre de Swiss LegalTech, une associatio­n qui cartograph­ie les projets liés aux technologi­es juridiques, le potentiel commercial de Legartis se trouve surtout du côté des entreprise­s. «Parmi les cabinets d’avocats, la liste des potentiels clients peut être faite de tête. Le développem­ent coûte cher alors que le marché suisse est très étroit. L’avantage de Legartis c’est que son logiciel n’est pas trop dépendant du système juridique.»

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(GETTY IMAGES) La start-up Legartis développe un outil informatiq­ue qui doit faciliter la tâche des juristes d’entreprise obligés de parcourir rapidement des centaines de pages de contrats.

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