Le Temps

«La France ou l’Afrique», un débat mondial et décomplexé

- MAXENCE CUENOT

Dans l’Hexagone, les Bleus sont célébrés comme des héros pour leur titre de champions du monde de football. A l’étranger, ils ne cessent d’être renvoyés à leurs racines africaines par de multiples voix, des réseaux sociaux aux tribunes officielle­s

C'est un débat que les Bleus n'avaient sans doute pas vu venir, et dont ils se seraient volontiers passés. Depuis leur victoire dimanche dernier en finale de la Coupe du monde contre la Croatie, de nombreuses voix internatio­nales objectent que ce n'est pas vraiment la France qui s'est imposée en Russie, mais l'Afrique. Un continent où 17 des 23 protégés de Didier Deschamps ont leurs racines.

Des réseaux sociaux aux tribunes officielle­s, en passant par les médias, les remarques se multiplien­t en toute décomplexi­on, qu'il s'agisse de déplorer le caractère multicultu­rel de l'équipe ou au contraire de le célébrer.

En France, les supporters vivent un véritable conte de fées et jouent des scènes de liesse indescript­ibles. Mais vu de l'étranger, cette équipe championne du monde aux origines diverses provoque des sentiments beaucoup plus contrastés. En Pologne, le Centre de surveillan­ce du comporteme­nt raciste et xénophobe de Varsovie a indiqué mercredi avoir adressé plusieurs plaintes au parquet contre des personnes tenant des propos racistes et haineux sur les réseaux sociaux à la suite de la victoire de la France lors de la Coupe du monde en Russie. En Italie, les messages xénophobes se sont multipliés sur les réseaux sociaux, décrivant «des singes avec un ballon» ou encore «des champions du tiers-monde».

«Nous sommes tous Français»

Que la toile serve de défouloir aux pires horreurs n'a rien de très inédit. Ce qui l'est davantage est de voir le Corriere della Sera, quotidien le plus diffusé du pays, décrire l'équipe de France comme «une équipe pleine de champions africains mélangés à de très bons joueurs blancs face à une équipe seulement de Blancs [la Croatie, en finale du Mondial]». Même son de cloche pour la Repubblica, qui titre carrément «C'est l'Afrique qui a gagné».

Aux Etats-Unis, Trevor Noah, présentate­ur du Daily Show, a lui aussi apporté sa contributi­on au débat. «Je suis tellement content, l'Afrique a gagné la Coupe du monde […] Je sais que ce sont les joueurs de l'équipe de France, mais regardez ces gars-là», s'est-il exclamé. Venant d'un Afro-Américain, la remarque résonne différemme­nt, mais elle a néanmoins irrité les basketteur­s français Evan Fournier et Nicolas Batum, qui évoluent en NBA. «Est-ce que l'Afrique gagne quand les USA remportent des médailles d'or aux Jeux olympiques? L'Europe gagne-t-elle lorsque l'Afrique du Sud gagne au rugby? Et on peut continuer. Nous sommes tous Français, il faut faire avec», a écrit Nicolas Batum, imité quelques heures plus tard par son compatriot­e.

Mais le débat ne s'est pas arrêté là, s'étendant jusqu'au monde politique. «L'équipe de France ressemblai­t à l'équipe d'Afrique, en vrai, c'est l'Afrique qui a gagné, les immigrants africains qui sont arrivés en France», a déclaré Nicolas Maduro, président du Venezuela. En écho, Barack Obama, en déplacemen­t à Johannesbu­rg pour le 100e anniversai­re de la naissance de Nelson Mandela, a salué la diversité identitair­e des Bleus. «Tous ces mecs ne ressemblen­t pas, selon moi, à des Gaulois. Mais ils sont bien Français!»

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