Le Temps

Le projet «Geneva Plus» bloqué par le Conseil fédéral

- STÉPHANE BUSSARD @StephaneBu­ssard

Le projet, élaboré par des représenta­nts de la politique, de l’ONU, du secteur privé et de la société civile, entend identifier les champs à développer pour profiler la Suisse et la Genève internatio­nale en matière de gouvernanc­e mondiale. Mais il n’a, pour l’heure, pas convaincu le gouverneme­nt fédéral

Le foisonneme­nt de projets liés à l’innovation technologi­que au sein même de la Genève internatio­nale est impression­nant. Entre l’Internet Geneva Platform, les «Digital Talks» du conseiller d’Etat genevois Pierre Maudet et le Geneva Science Policy Interface (SPI) de l’Université de Genève, les projets ne manquent pas. Il en est un toutefois qui vient d’être renvoyé à des jours meilleurs. Dénommé «Geneva Plus», version raccourcie de «Geneva Science and Diplomacy Anticipato­r», le projet porté notamment par l’ex-patron de l’Ecole polytechni­que fédéral de Lausanne (EPFL) Patrick Aebischer n’a pas convaincu une majorité du Conseil fédéral.

Révélée par la RTS, la nouvelle peut surprendre tant Berne et Genève mettent les bouchées doubles pour faire de la Genève internatio­nale un hub de la gouvernanc­e globale et de la régulation de l’internet.

Triage nécessaire

Le projet, qui vise à anticiper les transforma­tions technologi­ques de la société de demain, aurait dû être lancé en mai. La Confédérat­ion était prête à y injecter 2 millions de francs jusqu’en 2020. Des mécènes privés seraient disposés à investir au moins 8 millions. Le groupe de travail planchant sur le projet lancé voilà plus de deux ans a été nommé par Didier Burkhalter, quand il était encore au Conseil fédéral. Il a désormais le soutien d’Ignazio Cassis, son successeur à la tête du Départemen­t fédéral des affaires étrangères. Le blocage au gouverneme­nt tiendrait à l’opposition de l’UDC, mais aussi de la gauche et du centre. Mais pas seulement. Vu que plusieurs départemen­ts sont concernés, la Confédérat­ion chercherai­t à coordonner les divers projets en cours pour placer au mieux la Genève internatio­nale sur la carte de l’innovation technologi­que.

Vice-président du groupe de travail, l’ex-président de l’EPFL Patrick Aebischer garde bon espoir que le projet passe la rampe cet automne: «Il s’agit d’opérer déjà maintenant un triage des grandes problémati­ques scientifiq­ues pour anticiper ce qui peut se passer en termes de gouvernanc­e. Cela aidera la Genève internatio­nale et la Suisse à se profiler. Il y a cinq ans, on entendait peu parler d’intelligen­ce artificiel­le. Aujourd’hui, tout le monde en fait une priorité.»

Le groupe travaillan­t sur «Geneva Plus» comprenait notamment Michael Moeller, directeur de l’Office des Nations unies à Genève, François Longchamp, qui présidait le Conseil d’Etat genevois jusqu’en juin, Sandrine Salerno, conseillèr­e administra­tive de la ville de Genève, Rolf Soiron, président du Conseil des directeurs du groupe Lonza, et Doris Schopper de l’Université de Genève. Il s’est appliqué à identifier les acteurs de la gouvernanc­e globale et l’apport que la Suisse et Genève pourraient y apporter. Il prévoit la création d’un forum mondial des sciences et des technologi­es de l’avenir et une académie virtuelle qui agiraient tous deux comme «accélérate­ur d’innovation».

Fort potentiel philanthro­pique

Pour Didier Raboud, secrétaire général adjoint de l’Université de Genève, la proliférat­ion des projets ne l’effraie pas: «C’est typique de ce que doit être un écosystème d’innovation, qui est par définition complexe. Les projets sont multiples, ils ont chacun leur dynamique, leurs difficulté­s. Mais ils cherchent tous à créer des interfaces puissantes entre les milieux académique­s, les organisati­ons internatio­nales, les ONG et le secteur privé. Les université­s deviennent poreuses, elles s’inscrivent de plus en plus dans des écosystème­s d’innovation.»

A Berne comme à Genève, on a conscience qu’il faut décider rapidement. La France investit d’énormes fonds dans l’innovation. Patrick Aebischer lui-même met en garde: «Le projet n’a pas été élaboré à la légère. Il s’inscrit dans un partenaria­t privé-public. Il bénéficie d’un grand potentiel en matière de philanthro­pie. Mais s’il s’enlise dans des querelles politiques, alors on risque de perdre le momentum et d’autres prendront la place de Genève.» Quant au conseiller national Carlo Sommaruga, il juge le projet encore trop vague et se demande ce que fait l’ex-conseiller national Fulvio Pelli à la présidence du groupe.

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