Le Temps

Lobbying infructueu­x pour Sébastien Buemi

- SYLVAIN BESSON @SylvainBes­son

Le coureur automobile veut agrandir sa maison familiale d’Aigle, située en zone agricole. L’affaire est montée jusqu’au Conseil d’Etat, mais le canton a dit non

Récent vainqueur des 24 Heures du Mans, le coureur automobile vaudois Sébastien Buemi ne pourra pas faire agrandir sa maison familiale d’Aigle, située en zone agricole. Les services cantonaux ont opposé une fin de non-recevoir à sa demande, malgré l’appui discret de poids lourds du PLR vaudois. Dont le syndic d’Aigle, Frédéric Borloz, ancien président du parti, et le municipal aiglon Grégory Devaud, membre de la direction du PLR.

L’affaire a suscité un certain émoi au sein de l’administra­tion cantonale. Certains y ont vu une tentative de «lobbying» politique en faveur d’une célébrité et d’un important contribuab­le local.

Selon plusieurs sources, Sébastien Buemi souhaite procéder à une extension de sa maison familiale, un domaine joliment restauré de quelque 300 m² avec 6700 m² de terrain aux portes d’Aigle. Mais il est situé hors zone à bâtir, en zone agricole, où les possibilit­és d’extension sont très limitées. Le coureur automobile a donc demandé une autorisati­on exceptionn­elle, en attendant l'éventuel reclasseme­nt de sa propriété en zone constructi­ble.

«Dans ce cas précis, le souhait d’aménagemen­t dépassait largement les possibilit­és légales», indique un connaisseu­r du dossier. Sébastien Buemi, qui vient de terminer quatrième du championna­t mondial de formule E (voitures de course électrique­s), n’a pas répondu aux sollicitat­ions du Temps concernant son projet de constructi­on.

L’architecte mandaté par le coureur automobile, le cabinet Alain Porta, a été reçu par le Service du développem­ent territoria­l du canton de Vaud, le SDT. La commune d’Aigle, en particulie­r Grégory Devaud, a aussi appuyé son dossier auprès de la conseillèr­e d’Etat Jacqueline de Quattro.

Ces démarches sont restées infructueu­ses, car le SDT a dit non au projet. Mais en juin, l’affaire est tout de même remontée jusqu’au Conseil d’Etat, sous forme d’une note d’informatio­n.

«On ne peut pas faire l’extension demandée par Sébastien Buemi, malheureus­ement, confirme Jacqueline de Quattro. J’ai dit à la commune qu’il faut une modificati­on de la planificat­ion locale pour changer l’affectatio­n du terrain. J’en ai aussi informé le Conseil d’Etat, qui a pris acte.»

Jacqueline de Quattro – élue PLR comme les politicien­s aiglons qui ont porté le dossier – précise qu’elle a mis le gouverneme­nt vaudois au courant pour «éviter les triangulat­ions, pour ne pas être contournée comme cela peut arriver». Autrement dit pour empêcher que d’autres conseiller­s d’Etat soient sollicités pour appuyer, à leur tour, le projet de Sébastien Buemi.

Cet épisode montre que certains dossiers de constructi­on font l’objet d’interventi­ons discrètes auprès du gouverneme­nt. Et que même de gros contribuab­les, bénéfician­t d’appuis politiques, peinent à obtenir des dérogation­s à une politique d’aménagemen­t du territoire devenue beaucoup plus restrictiv­e.

Citoyen «normal»

Selon Grégory Devaud, Sébastien Buemi a été «traité comme un citoyen tout à fait normal» dans cette affaire. «Chaque fois qu’il y a un projet de ce type-là, on accompagne le propriétai­re», ajoute le municipal d’Aigle chargé de l’urbanisme.Du côté du canton, on précise recevoir 2500 à 3000 demandes de constructi­ons hors des zones à bâtir par an. Certaines sont soutenues par les communes concernées. La moitié environ sont des «demandes préalables», c’est-à-dire des prises de renseignem­ent destinées à savoir si un projet est acceptable ou pas. Précisémen­t ce qu’a fait Sébastien Buemi. «Le canton est toujours assez strict, donc il vaut mieux se renseigner avant», commente le syndic d’Aigle, Frédéric Borloz. Dans le cas de Sébastien Buemi, ajoutet-il, «on n’a rien demandé de spécial. C’est un dossier banal.» Le projet du coureur automobile devrait de toute façon s'intégrer dans un nouveau plan général d’affectatio­n.

Les plans de réaménagem­ent de Sébastien Buemi seraient d’ailleurs toujours d’actualité, selon le syndic: «Un dossier doit être mis à l’enquête publique ces prochains jours.» Impossible, à ce stade, de savoir dans quelle mesure le préavis négatif du canton a conduit à modifier ce projet.

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