Le Temps

A Aix-la-Chapelle, le sacre impérial de Marcus Ehning

L’Allemand remporte le Grand Prix Rolex, le concours le plus prestigieu­x de la saison. Steve Guerdat ne démérite pas mais se classe cinquième

- LAURENT FAVRE @LaurentFav­re

Aix-la-Chapelle n'est pas que l'ancienne capitale de l'Empire carolingie­n. La ville la plus occidental­e d'Allemagne est toujours le centre du monde de l'équitation. Une fois l'an, lorsque vient le CHIO d'Aachen, c'est la fête du cheval. Une fête qui dure six jours, attire des centaines de milliers de spectateur­s et organise des dizaines des compétitio­ns dans toutes les discipline­s équestres. Deux se distinguen­t nettement: la Coupe des nations jeudi, et le Grand Prix Rolex dimanche après-midi. Les deux ont été remportées par l'Allemand Marcus Ehning.

Le Wimbledon des cavaliers

Marcus Ehning n'a pas l'allure de jeune homme bien éduqué qu'arborent la plupart de ses adversaire­s. Il semble plus farouche, ses traits sont plus durs, ses gestes ont quelque chose de la rudesse paysanne. A 44 ans, c'est un cavalier très expériment­é qui a remporté tous les titres, national, européen, mondial, olympique. «L'homme aux dix médailles d'or» a déjà triomphé ici, en 2006. Il ne rêvait depuis que de récidiver.

Comme lui, tous les cavaliers espèrent se retrouver un jour sur la pelouse de l'immense piste de la Soers et brandir l'élégante coupe d'argent devant 40000 spectateur­s, 40000 connaisseu­rs. C'est leur Wimbledon à eux, leur Maracanã. Steve Guerdat n'était pas le dernier à rêver de victoire. En amoureux de son sport autant que des chevaux, le Jurassien attendait ce moment avec impatience. «La plus mythique des semaines pour les sports équestres commence aujourd'hui», tweetait-il mardi. Mercredi, il prenait la sixième place du Prix de l'Europe, remporté par le Suédois Henrik von Eckermann. Un bon galop d'essai pour sa jument Bianca.

Dimanche, le duo s'élance en quarantièm­e et dernière position. Silence quasi religieux dans les tribunes. La jument, concentré de puissance et de légèreté, passe les obstacles avec une aisance déconcerta­nte. Sansfaute, avec le cinquième temps. Steve Guerdat se qualifie aisément pour le second tour, qui réunit les 18 meilleurs. Onze ont réussi un sans-faute, dont l'autre Suisse, Werner Muff, sur Daimler.

Le deuxième parcours est plus court (15 obstacles), plus nerveux, plus sélectif. Van Eckermann et le Canadien Eric Lamaze sont les premières victimes de choix. L'Irlandais Darragh Kenny et Babalou sont les premiers à réussir un double sans-faute. Ils sont immédiatem­ent imités par le Brésilien Pedro Veniss, sur Quabri de l'Isle. L'Américain Devin Ryan – trois sansfautes entre le GP des nations et le premier tour – semble parti pour les imiter mais Eddie Blue fait tomber la dernière barre. Werner Muff échoue sur le deuxième obstacle du triple puis perd le rythme (12 points, 15e rang final).

Arrive Marcus Ehning, sur le bien nommé «Prêt à tout». L'Allemand fonce sans une hésitation: aucune faute et le meilleur temps (71''33), qui sonne comme un avertissem­ent en prévision du second barrage. Steve Guerdat lui succède, il gère un peu plus et se qualifie sans problème. Le public espère un second Allemand en barrage, mais Philipp Weishaupt puis Maurice Tebbel échouent de justesse.

L'erreur de Tebbel sur la dernière barre fait rasseoir d'un coup toute une tribune. Ils ne sont au final que cinq rescapés, puisque l'épatante Portugaise Luciana Diniz, montant Fit for Fun, s'est qualifiée entre les deux Allemands.

Nouvelle pause, nouveau ballet des garçons de piste et nouveau parcours: 8 obstacles, plus de triple, seulement un double à négocier et un oxer géant. L'ordre de passage est inchangé.

Darragh Kenny s'élimine très vite (trois barres) puis Pedro Veniss signe le premier sansfaute en 41''62. Son temps de référence est tout de suite enfoncé par Marcus Ehning qui boucle le parcours sans erreur en 38''34. Derrière, Steve Guerdat a compris. Il met les gaz, beaucoup de puissance, presque trop. Bianca survole le premier obstacle d'un bon mètre. Sur le troisième, elle semble suspendue au-dessus de l'oxer rouge. Trop de hauteur, pas assez de longueur; une barre tombe. Déréglé, le duo commet deux autres erreurs qui les repoussent au cinquième rang final.

Reste Luciana Diniz. La Portugaise réalise un troisième sansfaute mais dans un chrono un peu inférieur (40''96). Elle s'efforce de sourire mais se retient de pleurer.

Ehning tire sur sa clope en revenant sur la piste, étreint furtivemen­t les corps qui s'élancent vers lui, les yeux embués. Il vient de remporter le Grand Prix Rolex d'Aix-la-Chapelle et c'est aussi fort que la première fois.

Steve Guerdat met les gaz, beaucoup de puissance, presque trop

 ?? (CHRISTOPHE BRICOT/DPPI) ?? L’Allemand Marcus Ehning sur son cheval bien nommé «Prêt à tout».
(CHRISTOPHE BRICOT/DPPI) L’Allemand Marcus Ehning sur son cheval bien nommé «Prêt à tout».

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