Le Temps

Une manageuse au chevet des hôpitaux

Anne-Geneviève Bütikofer quitte la FMH pour reprendre les rênes de l’associatio­n H +. Un redoutable défi au moment où certains hôpitaux romands sont proches de l’agonie financière

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

Elle est grande, enthousias­te, fonceuse. Dès le 1er octobre prochain, Anne-Geneviève Bütikofer sera la nouvelle directrice de l’associatio­n faîtière des hôpitaux H+. Un nouveau défi pour cette Neuchâtelo­ise de 46 ans, juriste de formation et déjà au bénéfice d’une très solide expérience de management, dans les secteurs aussi bien public que privé. dans le canton de Genève, elle a été directrice de la Santé avant d’être nommée secrétaire générale de la Fédération des médecins suisses (FMH) à Berne. Ce n’est pas tout: elle siège notamment au Conseil d’administra­tion de l’Hôpital de l’Ile, le plus grand du pays.

Tout en elle respire la vie, la passion, la curiosité. Fille d’un chef d’entreprise et d’une mère au foyer, elle rêve de «découvrir le vaste monde» au seuil de ses études. Elle hésite beaucoup. Elle aime la musique, la peinture et la communicat­ion, mais son père la dissuade de se lancer dans une filière artistique. Finalement, elle opte pour le droit, une «formation qui ouvre beaucoup d’opportunit­és.» Les grands frissons, elle les garde pour ses hobbies décoiffant­s: le parapente, le snowboard et le squash notamment.

Le management plutôt que le barreau

Comme il fallait s’y attendre, elle va vite sortir du cadre. Le barreau, ce n’est pas pour elle. Elle travaille pour deux départemen­ts fédéraux (Justice et Police et les Affaires étrangères), le temps d’assouvir sa soif d’autres cultures. Mais très vite, elle bifurque vers le management, dans le privé d’abord au service du géant américain du jouet Hasbro, puis au Départemen­t genevois de la santé, et enfin au secrétaria­t général de la FMH depuis sept ans. A ces deux derniers postes, elle a dirigé des équipes de 100 à 120 collaborat­eurs. Son style? «Je suis une adepte d’une gestion participat­ive, mais pas des hiérarchie­s trop horizontal­es.»

Peu à peu, lentement mais sûrement, le monde de la santé se féminise aussi dans ses plus hautes sphères, celles où se prennent les décisions. Anne-Geneviève Bütikofer y contribue, même si elle ne cache pas que les femmes doivent toujours en faire un peu plus que les hommes pour s’imposer. Jamais elle n’a hésité à mener de front sa carrière profession­nelle et sa vie familiale. «Je me nourris des défis profession­nels. J’ai du plaisir à lancer des projets et à gérer une équipe», confie-t-elle. «Quant aux enfants, il n’y a rien de plus riche. Ils m’apportent un équilibre personnel et me donnent une raison supplément­aire de m’engager.»

«J’aime quand ça bouge»

Anne-Geneviève Bütikofer est mère d’une fille de 6 ans et d’un garçon de 7 mois. Même si son mari, un indépendan­t, assume une partie des tâches familiales, sa vie ressemble à une course sans fin, en semaine du moins. Diane aux aurores à Neuchâtel, départ pour Berne et retour vers 18h pour aller chercher ses enfants à la crèche et dans une structure parascolai­re. Des semaines qui approchent les soixante heures, même si le week-end est consacré à la famille. Elle ne s’en plaint pas une seconde: «Je ne suis pas casanière. J’aime quand ça bouge.»

Les femmes ont déjà largement investi la profession de médecin, dont elles constituen­t désormais 42% des effectifs, contre 11% seulement voilà cinquante ans. Et l’avenir s’y écrira toujours davantage au féminin, puisqu’en 2015, on dénombrait 5700 étudiantes et 4200 étudiants. «Le gros problème, c’est de s’assurer que les femmes restent dans la profession et à leur niveau. A cet égard, une statistiqu­e est plutôt inquiétant­e. Plus on s’élève dans la hiérarchie du métier, et plus la proportion de femmes baisse. Alors qu’il y a 58% de femmes chez les médecins assistants, on n’en compte plus que 22% qui deviennent médecins chefs. Et il n’en reste plus que 12% au poste de chef de clinique. L’espoir? «Les hommes aussi ne veulent plus occuper leur poste septante heures par semaine et commencent à privilégie­r des formes de travail qui leur permettent de concilier vie profession­nelle et vie de famille.»

Des patients plus mobiles

A la tête de H+, Anne-Geneviève Bütikofer ne manquera pas de défis. En Suisse romande, plusieurs hôpitaux cantonaux sont proches de l’agonie financière. Prudente, la future directrice ne fera pas de déclaratio­ns fracassant­es à ce sujet. Mais elle est persuadée que la libre circulatio­n des patients va se poursuivre, voire même s’accentuer: «Il faut avoir le courage de repenser l’attributio­n des soins entre les différents centres de compétence­s selon la masse critique. La population est clairement d’accord de parcourir de plus grandes distances, et même de franchir des frontières cantonales, pour obtenir des prestation­s de qualité.»

Et l’explosion des coûts de la santé? Anne-Geneviève Bütikofer n’aime pas cette expression, qui dramatise trop la situation. Selon elle, on assiste à une «hausse continuell­e» dépendant de facteurs incompress­ibles tels que le vieillisse­ment de la population et les progrès techniques. Elle ne croit pas à l’Etat pour trouver la

«La population est d’accord de parcourir de plus grandes distances pour obtenir des prestation­s de qualité» ANNE-GENEVIÈVE BÜTIKOFER, DIRECTRICE DE LA FAÎTIÈRE H +

recette miracle. «Je suis persuadée qu’avec des partenaria­ts intelligen­ts impliquant tous les acteurs mais garantissa­nt leur autonomie, nous pourrons continuer de répondre aux attentes de la population, tout en limitant la hausse des coûts.»

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(BÉATRICE DEVÈNES POUR LE TEMPS) Anne-Geneviève Bütikofer: «J’ai du plaisir à lancer des projets et à gérer une équipe.»

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