Une manageuse au chevet des hôpitaux
Anne-Geneviève Bütikofer quitte la FMH pour reprendre les rênes de l’association H +. Un redoutable défi au moment où certains hôpitaux romands sont proches de l’agonie financière
Elle est grande, enthousiaste, fonceuse. Dès le 1er octobre prochain, Anne-Geneviève Bütikofer sera la nouvelle directrice de l’association faîtière des hôpitaux H+. Un nouveau défi pour cette Neuchâteloise de 46 ans, juriste de formation et déjà au bénéfice d’une très solide expérience de management, dans les secteurs aussi bien public que privé. dans le canton de Genève, elle a été directrice de la Santé avant d’être nommée secrétaire générale de la Fédération des médecins suisses (FMH) à Berne. Ce n’est pas tout: elle siège notamment au Conseil d’administration de l’Hôpital de l’Ile, le plus grand du pays.
Tout en elle respire la vie, la passion, la curiosité. Fille d’un chef d’entreprise et d’une mère au foyer, elle rêve de «découvrir le vaste monde» au seuil de ses études. Elle hésite beaucoup. Elle aime la musique, la peinture et la communication, mais son père la dissuade de se lancer dans une filière artistique. Finalement, elle opte pour le droit, une «formation qui ouvre beaucoup d’opportunités.» Les grands frissons, elle les garde pour ses hobbies décoiffants: le parapente, le snowboard et le squash notamment.
Le management plutôt que le barreau
Comme il fallait s’y attendre, elle va vite sortir du cadre. Le barreau, ce n’est pas pour elle. Elle travaille pour deux départements fédéraux (Justice et Police et les Affaires étrangères), le temps d’assouvir sa soif d’autres cultures. Mais très vite, elle bifurque vers le management, dans le privé d’abord au service du géant américain du jouet Hasbro, puis au Département genevois de la santé, et enfin au secrétariat général de la FMH depuis sept ans. A ces deux derniers postes, elle a dirigé des équipes de 100 à 120 collaborateurs. Son style? «Je suis une adepte d’une gestion participative, mais pas des hiérarchies trop horizontales.»
Peu à peu, lentement mais sûrement, le monde de la santé se féminise aussi dans ses plus hautes sphères, celles où se prennent les décisions. Anne-Geneviève Bütikofer y contribue, même si elle ne cache pas que les femmes doivent toujours en faire un peu plus que les hommes pour s’imposer. Jamais elle n’a hésité à mener de front sa carrière professionnelle et sa vie familiale. «Je me nourris des défis professionnels. J’ai du plaisir à lancer des projets et à gérer une équipe», confie-t-elle. «Quant aux enfants, il n’y a rien de plus riche. Ils m’apportent un équilibre personnel et me donnent une raison supplémentaire de m’engager.»
«J’aime quand ça bouge»
Anne-Geneviève Bütikofer est mère d’une fille de 6 ans et d’un garçon de 7 mois. Même si son mari, un indépendant, assume une partie des tâches familiales, sa vie ressemble à une course sans fin, en semaine du moins. Diane aux aurores à Neuchâtel, départ pour Berne et retour vers 18h pour aller chercher ses enfants à la crèche et dans une structure parascolaire. Des semaines qui approchent les soixante heures, même si le week-end est consacré à la famille. Elle ne s’en plaint pas une seconde: «Je ne suis pas casanière. J’aime quand ça bouge.»
Les femmes ont déjà largement investi la profession de médecin, dont elles constituent désormais 42% des effectifs, contre 11% seulement voilà cinquante ans. Et l’avenir s’y écrira toujours davantage au féminin, puisqu’en 2015, on dénombrait 5700 étudiantes et 4200 étudiants. «Le gros problème, c’est de s’assurer que les femmes restent dans la profession et à leur niveau. A cet égard, une statistique est plutôt inquiétante. Plus on s’élève dans la hiérarchie du métier, et plus la proportion de femmes baisse. Alors qu’il y a 58% de femmes chez les médecins assistants, on n’en compte plus que 22% qui deviennent médecins chefs. Et il n’en reste plus que 12% au poste de chef de clinique. L’espoir? «Les hommes aussi ne veulent plus occuper leur poste septante heures par semaine et commencent à privilégier des formes de travail qui leur permettent de concilier vie professionnelle et vie de famille.»
Des patients plus mobiles
A la tête de H+, Anne-Geneviève Bütikofer ne manquera pas de défis. En Suisse romande, plusieurs hôpitaux cantonaux sont proches de l’agonie financière. Prudente, la future directrice ne fera pas de déclarations fracassantes à ce sujet. Mais elle est persuadée que la libre circulation des patients va se poursuivre, voire même s’accentuer: «Il faut avoir le courage de repenser l’attribution des soins entre les différents centres de compétences selon la masse critique. La population est clairement d’accord de parcourir de plus grandes distances, et même de franchir des frontières cantonales, pour obtenir des prestations de qualité.»
Et l’explosion des coûts de la santé? Anne-Geneviève Bütikofer n’aime pas cette expression, qui dramatise trop la situation. Selon elle, on assiste à une «hausse continuelle» dépendant de facteurs incompressibles tels que le vieillissement de la population et les progrès techniques. Elle ne croit pas à l’Etat pour trouver la
«La population est d’accord de parcourir de plus grandes distances pour obtenir des prestations de qualité» ANNE-GENEVIÈVE BÜTIKOFER, DIRECTRICE DE LA FAÎTIÈRE H +
recette miracle. «Je suis persuadée qu’avec des partenariats intelligents impliquant tous les acteurs mais garantissant leur autonomie, nous pourrons continuer de répondre aux attentes de la population, tout en limitant la hausse des coûts.»
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