Réchauffement climatique: la chasse au responsable
L’an dernier, l’Office fédéral de l’environnement et le Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales ont lancé une étude sur la compatibilité climatique des caisses de pension et des compagnies d’assurances suisses. Les participants représentaient deux tiers du patrimoine géré par les institutionnels suisses et cet exercice a permis d’évaluer la concordance de leurs investissements en actions et en obligations avec les objectifs de réduction des émissions de CO2 de l’Accord de Paris.
Rappelons que cet accord, approuvé par quelque 200 signataires, dont la Suisse, entérine la volonté des Etats de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il est aujourd’hui communément admis que ceux-ci sont en partie la cause du réchauffement climatique et que si ce phénomène n’est pas enrayé, il pourrait générer des problèmes graves pour l’humanité (fonte des pôles et augmentation du niveau de la mer, catastrophes naturelles, déplacements de populations, disparition d’espèces, diminution des ressources, etc.).
Or, selon l’étude, les investissements des caisses de pension et des assureurs suisses sont loin des objectifs de l’Accord de Paris. Globalement, le scénario avec lequel ils sont compatibles d’après les modèles utilisés dans cette analyse est celui d’un réchauffement de 4 à 6 °C par rapport à l’ère préindustrielle, soit au-dessus du seuil de 2 °C fixé par l’accord pour permettre une stabilisation des émissions à un niveau jugé raisonnable.
Surprenant? Pas tant que ça, puisque les principaux indices boursiers globaux (tel le MSCI World) sont compatibles avec un scénario de réchauffement d’environ 5 °C. Et comme les institutionnels investissent principalement en ligne avec ces indices, il est logique que la trajectoire de réchauffement de leurs investissements soit similaire.
Changement de mode de pensée
Plus généralement, c’est la question de la responsabilité de l’impact environnemental des activités industrielles et commerciales qui est ici en jeu. Le postulat de cette étude – et de l’Accord de Paris – repose sur l’idée que c’est l’investisseur qui porte cette responsabilité. Mais est-ce vraiment le cas?
On assiste aujourd’hui à un changement de mode de pensée. Dans les années 1990, en particulier suite à la conférence de l’ONU à Rio en 1992, on considérait en général que c’étaient les entreprises qui portaient cette responsabilité et le rôle du «coupable» a depuis été reporté sur d’autres épaules, celles des investisseurs, en particulier institutionnels. Ces derniers sont des proies assez faciles, parce que leurs placements sont soumis à des réglementations qui peuvent être modifiées. Faut-il donc s’attendre à des législations les obligeant à prendre en compte le réchauffement climatique?
Approche globale
Cependant, le cas échéant, le problème ne serait pas pour autant résolu. Les institutionnels n’ont qu’un pouvoir limité, car ils doivent investir dans la grande majorité des cas en suivant de près les indices boursiers, qui reflètent l’économie réelle et qui sont eux-mêmes comme on l’a vu sur une trajectoire de réchauffement importante. La problématique du réchauffement climatique ne peut pas être réglée en cherchant un responsable unique. Elle devra être résolue par une approche globale, dans laquelle chacune des parties prenantes assume sa part de responsabilité: les investisseurs qui mettent du capital à disposition, les entreprises qui fabriquent des biens, sans oublier… les consommateurs qui les achètent. Le fait que ces derniers soient également électeurs complique la recherche de solutions: ont-ils vraiment envie d’entendre qu’ils sont coresponsables, à travers leur consommation, du réchauffement climatique et de voir des mesures efficaces, mais peu populaires, mises en place pour le réduire?n