Le Temps

Le «train du futur» accélère sans frein

Non contents de remporter le concours Hyperloop pour la deuxième année consécutiv­e, les étudiants de l’Université de Munich ont pulvérisé le record de vitesse, en dépassant les 460 km/h. L’EPFL a pris la troisième place

- ROMAIN RAYNALDY, LOS ANGELES

L’Hyperloop, le «train du futur» imaginé par Elon Musk, le fantasque patron de Tesla et SpaceX, a franchi une nouvelle étape dimanche, à Los Angeles. Certes, on ne parle encore que de prototypes, et on reste loin des 1200 km/h rêvés par Musk dans son projet initial. Mais en propulsant leur capsule (pod) à 466 km/h, les Munichois de WARR ont atteint une vitesse que personne n’avait approchée jusque-là – pas même une entreprise privée comme Virgin (386 km/h en décembre 2017), ou Elon Musk lui-même (354 km/h à l’été 2017).

Leur prouesse valide également la démarche de Musk, qui a lancé le concours Hyperloop en 2016 pour encourager les étudiants du monde entier à plancher sur le transport du futur et trouver des solutions pour repousser les limites de la vitesse. De fait, cette année encore, la vingtaine d’équipes participan­tes n’avait qu’un seul cahier des charges: aller le plus vite possible.

L’ambiance festive de la compétitio­n, sous le soleil californie­n – shorts et sandales de rigueur, food trucks et DJ maison –, pouvait faire oublier que les étudiants en lice ont travaillé d’arrache-pied depuis des mois, mettant souvent leurs études entre parenthèse­s, pour concevoir, fabriquer et tester leurs pods. Mais Elon Musk est venu le rappeler en personne, en faisant son apparition en début d’après-midi: «Je suis stupéfait de voir à quel point vous êtes doués pour créer ces pods. Vous êtes top, les gars!» a-t-il lancé, sous les vivats des participan­ts.

WARR avait déjà goûté à la victoire l’an dernier, en propulsant son pod à 324 km/h dans le tunnel d’essai sous vide de 1200 mètres courant au pied des usines de SpaceX, à Hawthorne, au sud de Los Angeles. Mais l’engin qu’ils ont fait rouler dimanche était nettement plus puissant.

«En gros, c’est le même concept que l’an dernier, mais cette fois notre pod avait huit roues, chacune équipée d’un moteur électrique – contre un seul moteur l’été dernier», explique Paulo Galo, chargé du système de freinage et des pneumatiqu­es au sein de l’équipe de 39 personnes. «Nous avons aussi adapté tous les matériaux, en utilisant notamment du titane et de l’aluminium, pour que le pod soit plus léger», ajoute-t-il. Enfin, WARR a travaillé avec quatre compagnies privées pour simuler en amont tous les cas de figure possibles et toutes les avaries susceptibl­es de se produire – avec un succès évident.

Problèmes techniques

Ce sont précisémen­t des problèmes techniques qui ont douché les espoirs de victoire des deux équipes suisses en compétitio­n. L’EPFLoop, conçu par l’Ecole polytechni­ques fédérale de Lausanne, n’a certes pas démérité pour sa première participat­ion, en décrochant une place en finale – un privilège réservé aux trois meilleures équipes. Mais les Lausannois ont fini à la troisième place, avec une vitesse de pointe de 85 km/h. «Nous sommes déçus car en test, on avait fait 200 km/h sur 400 mètres. Donc sur 1200 mètres, on espérait dépasser au moins les 350 km/h», déplore André Hodder, professeur de propulsion à l’EPFL.

L’un de ses étudiants, Théophane Dimier, décrit le pod comme «une sorte de monorail, avec une roue sur le dessus, qui tourne en s’appuyant le rail». Or la roue, dotée d’un revêtement de polyurétha­ne, «a patiné dès le début», pour une raison encore inconnue, ajoute-t-il. Le patinage était gênant mais pas forcément rédhibitoi­re, car le pod avançait quand même. Mais un autre problème est venu s’ajouter au premier: depuis la station de contrôle, l’équipe «estimait la position du pod dans le tunnel en fonction de la rotation du moteur, qui, lui, tournait à plein régime, indépendam­ment de la roue. Du coup, on a pensé qu’on était arrivés au bout du tunnel et on a freiné, alors que nous en étions encore très loin. On n’a jamais vraiment pris de vitesse», observe Théophane Dimier.

L’autre équipe suisse, Swissloop, a eu encore moins de chance. Finaliste l’an dernier – elle avait pris la troisième place après un malencontr­eux problème de batterie –, l’Ecole polytechni­que fédérale de Zurich a été victime cette fois d’un «contrôleur de moteur défectueux, acheté à une entreprise extérieure», regrette Carl Friess, chargé des systèmes de contrôle à Swissloop. «C’est l’appareil qui contrôle le moteur, lui envoie la puissance et contrôle sa vitesse. Malheureus­ement, l’avarie a grillé nos batteries, pendant les tests de jeudi. On a pu tout réparer, mais les conditions de sécurité n’étaient plus réunies pour pouvoir continuer», ajoute-t-il. Une déception à la hauteur des espoirs de Swissloop: le pod qu’ils présentaie­nt cette année était complèteme­nt différent de l’an dernier, «bien meilleur, et beaucoup plus puissant, avec quatre roues et un moteur sur chaque roue. Il pourrait probableme­nt atteindre les 500 km/h», assure Carl Friess.

La prouesse valide la démarche de Musk, qui a lancé le concours Hyperloop en 2016 pour encourager les étudiants du monde entier à plancher sur le transport du futur

Roues ou lévitation

Contrairem­ent à l’an dernier, où les équipes finalistes avaient proposé des pods sur coussin d’air, utilisant la lévitation, ou en sustentati­on magnétique (comme Swissloop), tout le monde avait opté cette année pour les bonnes vieilles roues. Maaike Hakker, cheffe marketing et finances de l’équipe néerlandai­se Delft Hyperloop, qui a pris la deuxième place avec une performanc­e de 141 km/h, estime que sur une courte distance comme les 1200 mètres du tunnel d’essai, «c’est la seule façon d’aller très vite. Mais pour l’Hyperloop grandeur nature, sur de longues distances, il faudra utiliser la lévitation, qui sera beaucoup plus efficace.»

Et même si ce fameux Hyperloop «grandeur nature» n’est pas encore pour demain, Elon Musk reste persuadé que les étudiants de son concours en posent les premiers jalons, et que, grâce à eux, le futur fait à nouveau rêver: «Il y a tellement de choses dans le monde qui nous font voir le futur de façon déprimante ou pessimiste… Je pense que ce que vous faites ici est quelque chose qui rend les gens excités par le futur. Et c’est rare.»

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(AFP PHOTO/ROBYN BECK)

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