Le Temps

La Suisse peine à se mettre au télétravai­l

Travailler où on veut, quand on veut et avec qui on veut? Cette flexibilit­é offerte aux employés a conquis depuis longtemps les Etats-Unis ou la Suède. En Suisse, par contre, une étude montre que les patrons n’encouragen­t pas cette pratique

- JULIE MÜLLER

Travailler quand on veut, où on veut, avec qui on veut. Un rêve? Pour certains pays comme les Etats-Unis et la Suède, il s’agit déjà d’une réalité. En revanche, pour les salariés suisses, la route sera encore longue. Une étude du cabinet de conseil Deloitte, publiée mi-juillet, conclut que la Suisse est loin d’être avant-gardiste en matière de flexibilit­é.

Le sondage, réalisé auprès d’un millier de collaborat­eurs dans le pays, démontre un manque de souplesse chez de nombreuses entreprise­s helvétique­s. Et pourtant, d’après la coauteure de l’étude Elena Jäger, «plus les employés sont mobiles, plus ils travaillen­t efficaceme­nt. Cela attire de nouveaux types de recrues comme les millennial­s, et les chefs d’entreprise doivent tirer avantage de cela.»

Les résultats parlent d’euxmêmes: première constatati­on, 42% des interrogés déclarent que leur employeur ne leur fournit aucun équipement leur permettant de travailler en externe. De surcroît, une sédentarit­é totale s’applique pour un tiers des employés questionné­s.

Pour Elena Jäger, cette situation pourrait être évitée. «Grâce aux nouvelles technologi­es et à l’évolution de nos profession­s vers l’économie du savoir, on peut désormais travailler n’importe où.»

Manque de directives claires

L’absence de moyens mis à dispositio­n n’est pas le seul problème. Il manque également des lignes directrice­s. Seuls 39% des travailleu­rs sondés affirment que des règles officielle­s concernant la flexibilit­é existent au sein de leur entreprise.

Mehdi Guessous, spécialist­e des ressources humaines chez Vicario Consulting à Genève, ironise: «C’est l’un des paradoxes de la flexibilis­ation. Elle exige des règles claires pour bien fonctionne­r.» Et, lorsque des règles existent, elles sont dépassées, reprend Marco Taddei, responsabl­e à l’Union patronale suisse. «La loi est obsolète. Elle ne correspond plus aux nouvelles formes de travail. Mais il ne faut pas oublier que les petites entreprise­s basées sur la confiance entre employeur et employés ne nécessiten­t pas de telles règles écrites.»

Flexibilit­é parfois difficile

Le responsabl­e de l’Union patronale suisse dédouane par ailleurs les employeurs. «Ce n’est pas une mauvaise volonté de la part du patronat, seulement un problème structurel. Suivant la taille et le secteur de l’entreprise, il est parfois impossible d’être flexible.»

On constate effectivem­ent une accentuati­on des efforts fournis par les sociétés de plus de 250 employés, 55% d’entre elles disposant de règles claires à ce sujet. Dans les entreprise­s comptant moins de 50 collaborat­eurs, ce chiffre chute à 24%.

Mehdi Guessous justifie cette différence par l’investisse­ment consenti depuis plusieurs années par les grandes structures. «Elles disposent de davantage de moyens et d’expérience. Mais, surtout, elles risquent plus facilement d’avoir des réclamatio­ns de leurs employés, d’où la nécessité de directives claires.»

Changement culturel nécessaire

A défaut de règles établies, les cadres devraient montrer l’exemple. Problème: 38% des employés interrogés estiment que la culture d’entreprise flexible n’est pas appliquée par leurs chefs. Mais le changement culturel au

ELENA JÄGER, AUTEURE DE L’ÉTUDE DE DELOITTE

sein de la structure ne peut provenir que d’eux.

C’est du moins ce que la coauteure de l’étude a tiré comme conclusion­s de ses différents entretiens. «Les modèles de flexibilit­é en entreprise­s ne peuvent être efficaces que s’il y a un véritable changement d’état d’esprit chez les employés. Pour que cette transition se produise, les chefs d’équipe doivent servir d’exemples.»

Mehdi Guessous émet tout de même une réserve. «Il paraît important de prendre du recul par rapport à cette tendance forte actuelleme­nt, qui met la flexibilit­é au-dessus de tout.. Selon le consultant, les employeurs ne doivent pas se sentir obligés de faire cette transition vers plus de mobilité. «Il est important que les entreprise­s effectuent ce changement à leur rythme. Ce d’autant plus que cette flexibilit­é n’est qu’un élément parmi d’autres dans l’évolution de nos modes de travail.»

«Plus les employés sont mobiles, plus ils travaillen­t efficaceme­nt»

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(WILLIE B. THOMAS/DIGITAL VISION) Les nouvelles technologi­es permettent de travailler n’importe où. Cependant, d’après un sondage, les employeurs suisses ne mettent pas assez de moyens à dispositio­n des employés qui souhaitent travailler en externe.

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