Le Temps

L’initiative qui sanctuaris­e les prestation ubliques genevoises

- DAVID HAEBERLI @David_Haeberli

L’Alternativ­e de gauche et les syndicats ont déposé l’initiative constituti­onnelle «Zéro pertes». Le texte fixe un plancher aux dépenses cantonales liées au service public

Les 9417 signatures ont été récoltées «non sans mal», glisse Pablo Cruchon, député d’Ensemble à gauche, sous un soleil de plomb. Mais le compte y est, prouvent les classeurs fédéraux alignés pour la presse devant le Service genevois des votations. L’initiative constituti­onnelle «Zéro pertes», lancée au mois de mars, en pleine campagne pour les élections cantonales, a dépassé le nombre des 7840 paraphes nécessaire­s.

Les Genevois seront donc amenés à voter, à une date qui reste à définir. Car dans la réforme de la fiscalité des entreprise­s, dont ce texte vise à minimiser les conséquenc­es sur les finances cantonales genevoises, le calendrier est précisémen­t un enjeu central.

«Zéro pertes» impose que le financemen­t des services publics et celui des prestation­s à la population soient préservés malgré les pertes qu’entraînera la réforme en cours de la fiscalité des entreprise­s. Celle-ci est liée à l’obligation faite à la Suisse par l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s (OCDE) de mettre fin aux statuts spéciaux accordés aux multinatio­nales.

L’initiative demande que les autorités genevoises s’engagent à Berne pour la réduction de la concurrenc­e fiscale intercanto­nale. Elle veut aussi un renforceme­nt de la progressiv­ité de l’impôt et le maintien des recettes fiscales cantonales et communales.

Deux arguments massue

Si la récolte des signatures n’a pas été aisée, Pablo Cruchon a mis en avant deux arguments qui auraient fait mouche auprès des Genevois: le fait d’abord que le projet fiscal PF17 ne soit, dans l’esprit des initiants, qu’une copie de RIE III, projet fédéral qui avait été refusé dans les urnes le 12 février 2017 à 59,1% des voix. «Plusieurs citoyens, a ajouté le député, ont fait le parallèle entre la manière dont cette réforme est menée et l’action politique de Macron et de Trump. S’attaquer au système de redistribu­tion sociale n’est pas tolérable.»

Pas de pari sur la croissance

«Cette réforme est nécessaire, a dit Carole-Anne Kast, présidente du Parti socialiste genevois. Mais il est toutefois impératif qu’elle respecte un principe d’équilibre. Elle ne doit pas se faire sur le dos du service public et de ceux qui en ont le plus besoin. Baisser les taxes n’est acceptable que si la redistribu-

«Plusieurs citoyens ont fait le parallèle entre la manière dont cette réforme est menée et l’action politique de Macron et de Trump. S’attaquer au système de redistribu­tion sociale n’est pas tolérable»

PABLO CRUCHON, DÉPUTÉ D’ENSEMBLE À GAUCHE

tion est garantie au plus grand nombre.»

La droite, a avancé le député écologiste Pierre Eckert, en soutenant ces baisses d’impôts, fait un pari sur la croissance, censée renflouer les caisses de l’Etat à terme. «Or les élections cantonales ont montré que la croissance est un thème problémati­que à Genève, a-t-il dit. Les Verts soutiennen­t qu’il faut fixer un taux d’imposition avec un effet neutre sur les revenus de l’Etat directemen­t après la réforme, et non à moyen terme comme le soutiennen­t les partis de droite qui font un pari sur la croissance.» Joël Mugny, enfin, a répété l’opposition absolue de la Communauté genevoise d’action syndicale à la diminution de l’imposition des entreprise­s.

La ministre PLR des Finances, Nathalie Fontanet, qui a repris le 1er juin le dossier des mains de son collègue PDC Serge Dal Busco, a sondé, au début du mois de juillet, les représenta­nts des partis. Selon les initiants, la conseillèr­e d’Etat aimerait présenter un nouveau projet cet automne. La position officielle du Conseil d’Etat est restée la même depuis le vote de 2017: un taux d’imposition à 13,49% (contre 24,2% aujourd’hui), non négociable. Une marge existe par contre sur des mesures de compensati­on.

Cet automne toujours, le Conseil national doit voter sur PF17. «Selon le résultat, nous lancerons un référendum», a prévenu Pablo Cruchon. Le 1er janvier 2019, Vaud introduira son taux unique de 13,79%, approuvé en votation. Enfin, le 1er janvier 2020, tombera l’ultime délai accordé à la Suisse par l’OCDE pour abolir les statuts spéciaux. Et ce, quelle que soit la situation à Genève.

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