Le Temps

L’économie italienne, «paresseux» de l’Europe

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«L’Italie n’est pas restée à l’arrêt. Mais elle a avancé avec une lenteur exaspérant­e et le pas titubant d’un étrange animal entre la gazelle et le paresseux.» Le quotidien économique Il Sole 24 Ore analysait en ces termes l’an dernier l’évolution de l’économie de la Péninsule depuis la crise de 2008.

Un an plus tard, les derniers chiffres de la croissance relèvent plutôt du second animal. Ils n’étaient pas importants, ils le sont encore moins après leur révision vers le bas par la Banque d’Italie. Mi-juillet, elle tablait sur une hausse du PIB de 1,3% en 2018 (contre 1,4% prévu précédemme­nt), puis de 1% (contre 1,2%) en 2019, avant 1,2% en 2020. Le wagon de queue La croissance italienne reste faible mais positive de façon constante depuis le troisième trimestre 2014. De trimestre en trimestre, les chiffres varient désespérém­ent de 0 à, au mieux, 0,5. L’an dernier, le PIB avait augmenté de 1,4% par rapport à l’année précédente, atteignant la plus forte croissance depuis sept ans. L’Italie confirme ainsi sa dernière place au tableau européen. La Péninsule «a la croissance la plus basse d’Europe», insiste Veronica De Romanis, professeur à l’Université LUISS de Rome.

Mais pour l’économiste, le mal principal dont souffre toujours la troisième économie de l’Union européenne est la dette publique, la plus importante après celle de la Grèce. Elle rappelle que Mario Monti, en quittant la présidence du Conseil en 2013, l’avait laissée à 123% du PIB, contre 132 pour Matteo Renzi trois ans plus tard. En 2008, la dette publique représenta­it 105,8% du PIB. Pas d’aide européenne Ce cadre pessimiste de l’économie italienne permet-il de justifier la présence de l’Italie parmi les PIIGS? La comparaiso­n de la Botte avec ces pays est «impropre», s’emporte l’économiste. «Les PIIGS ont été sauvés par des contributi­ons européenne­s, avance-t-elle. Il est donc erroné d’insérer l’Italie dans cette liste, puisque Rome n’a pas reçu d’aide européenne.»

Veronica De Romanis préconise aujourd’hui une réforme de l’administra­tion publique et une révision de la dépense publique. Deux thèmes que le gouverneme­nt démocrate a déjà affrontés et dont le nouvel exécutif a promis de s’occuper. Mais la Ligue et le Mouvement 5 étoiles (M5S), désormais au pouvoir, préfèrent travailler là où les Italiens verront une différence. A savoir l’emploi. Car à la fin de 2017, deux mois avant les élections législativ­es de février, seuls 4% des Italiens percevaien­t une évolution positive de l’économie, selon un sondage de l’institut Eumetra Monterosa; 67% d’entre eux au contraire avaient la sensation que cette crise n’était pas en train de s’achever. Les écarts se creusent Le taux de chômage était en effet de 11% avant l’été, contre 6,1% plus de dix ans plus tôt. Les 15-24 ans font partie de la frange de la population la plus touchée, avec un taux à la fin de l’année dernière de 32,3%. Il atteignait le pic de 44,9% au début de 2015. Dans la perception des Italiens, les inégalités sociales s’ajoutent au chômage, les empêchant ainsi de voir la sortie d’une décennie de crise. Selon un rapport de l’ONG Oxfam, un cinquième de la population la plus riche détenait les deux tiers des richesses du pays à mi-2017. Entre 2006 et 2016, cet écart n’avait cessé de se creuser. La part de revenu national disponible pour les 10% les plus pauvres de la société italienne avait diminué de 28%.

Pour répondre à ces phénomènes, le nouveau gouverneme­nt a promis l’introducti­on d’un revenu universel, point fort du programme du M5S, et d’une taxe forfaitair­e (flat tax) à 15%, cheval de bataille de l’extrême droite de Matteo Salvini. Or, à deux mois de la naissance de son exécutif, les couverture­s financière­s de ces deux promesses ne sont pas encore connues.

Ce gouverneme­nt, mené par l’avocat Giuseppe Conte, mais voulu par Matteo Salvini et Luigi Di Maio, le patron du Mouvement 5 étoiles, est le sixième en une décennie de crise économique. En 2008, le pays était mené par Silvio Berlusconi. Cette instabilit­é politique chronique s’ajoutant à la précarité économique du pays n’a pas permis à l’Italie d’entreprend­re un réel parcours des réformes nécessaire­s. Celles de Matteo Renzi par exemple sont ralenties par le nouvel exécutif, sinon démantelée­s, pour l’heure au moins dans les discours.

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