L’ombre d’un «Grand Conseil bis» plane sur la Constituante valaisanne
VALAIS Près de 750 candidats pourraient se disputer les 130 sièges de la future assemblée lors de l’élection de novembre prochain. Mais cet engouement inédit permettra-t-il de renouveler la classe politique valaisanne?
Les Valaisans souhaitent qu'un vent nouveau souffle sur la classe politique de leur canton. Ils l'ont démontré en mars dernier, préférant confier à une Constituante, plutôt qu'au Grand Conseil, la révision de leur charte cantonale. Pour que leur souhait devienne réalité, ils doivent avoir entre les mains des outils adéquats.
A l'origine du mouvement Appel Citoyen, créé justement pour permettre aux personnes non partisanes de se présenter, Johan Rochel est persuadé que la clé se trouve au sein des forces politiques traditionnelles. « Nous allons tout faire pour brasser les cartes, mais ce sont les partis qui ont les atouts en main.»
Président du PLR , René Constantin est conscient que les citoyens attendent beaucoup de cette élection et que les partis doivent être «à la hauteur des espérances». Les listes «valeurs libérales-radicales» seront ainsi composées pour moitié de novices en politique. Tout comme les autres partis, le PLR n'a pas eu de peine à attirer de nouveaux venus.
«C'est la première fois que des candidats se présentent sponta- nément», s'enthousiasme le président des Verts, Jean- Pascal Fournier. Son homologue socialiste du Valais romand (PSVr) Barbara Lanthemann annonce que 70% des personnes prêtes à figurer sur les listes «PS et gauche citoyenne» n'ont jamais eu de mandat électif. La seule liste dévoilée pour l'heure, celle du PDC du district de Sierre, confirme: sur les 17 candidats, seuls trois ont déjà eu une fonction élective.
Nouvelle génération de politiciens
La Constituante devrait donc permettre l'émergence d'une nouvelle génération de politiciens. «Ce n'est pas une question d'âge, souligne Serge Métrailler, président du PDC du Valais romand, mais d'une implication nouvelle dans la vie politique.» L'essor de ce renouvellement est facilité par les calculs électoraux des partis. Tous souhaitent être représentés le plus largement possible au sein de la Constituante. Ils présenteront donc, quasiment dans tous les districts, des listes pleines, comprenant autant de noms que de sièges.
Les citoyens non partisans ne sont pas en reste. Appel Citoyen devrait également présenter des listes pleines dans les huit districts du Valais romand, soit 96 candidats. Quelques politiciens sont tout de même susceptibles de se retrouver sur ces listes, puisque «le mouvement a décidé d'accepter tous ceux qui par- tagent les sept valeurs de l'Appel», explique Johan Rochel.
Près de 750 candidats pourrai ent ai nsi s e disputer, l e 25 novembre prochain, les 130 sièges de l'assemblée. Ingénieur en chimie, Géraldine Pouget-Zufferey fait partie des candidats démocrates-chrétiens du district de Sierre. Novice en politique, elle a été attirée par le côté historique de cette aventure. «Les constituants vont marquer l'histoire du canton en modelant ses fondements législatifs», se réjouit-elle.
L'engouement inédit pour cette élection renforce l'avènement de nouvelles têtes. «L'abondance de néophytes a incité les anciens à se retirer pour laisser la place à la nouvelle génération», explique René Constantin. Serge Métrailler ajoute que la peur de ne pas être élu a refroidi plus d'un politicien aguerri. Plusieurs personnalités issues du sérail politique seront tout de même candidates. Et tous les partis sont convaincus que la présence de ces politiciens rompus à l'exercice du législatif permettra de donner un cadre à cette assemblée.
Une assemblée qui doit toutefois développer sa propre culture, avance Francine Crettaz. Pour l'ancienne secrétaire générale de la Constituante vaudoise, le rôle des partis est ici primordial. Ils doivent oublier leur fonctionnement habituel, car «la politique politicienne n'a pas lieu d'être dans une constituante». L'ouverture des listes à des néophytes en politique est un premier pas. La Valaisanne d'origine souligne égal ement que l es constituants doivent pouvoir partir l'esprit ouvert. «Il serait néfaste pour la future assemblée que les partis veuillent avoir une influence sur leurs élus», insiste-t-elle.
Mais l'engouement que suscite la Constituante permettra-t-il d'éviter un «Grand Conseil bis», crainte souvent évoquée lors de la campagne en début d'année? «Les cartes sont entre les mains des citoyens», répond Barbara Lanthemann. La présidente du PSVr est toutefois inquiète, car «en Valais le réflexe est souvent de glisser dans l 'urne des noms connus».
Le mode électoral, identique à celui du parlement, pourrait également engendrer de fortes similitudes entre le Grand Conseil et la Constituante. Le quorum, fixé à 8%, sera difficile à franchir pour les listes non partisanes. Johan Rochel y croit pourtant fermement. L'objectif, peut-être idéaliste, d'Appel Citoyen est de passer le quorum dans les huit districts du Valais romand et d'obtenir ainsi 13 ou 14 sièges.
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«En Valais, le réflexe est souvent de glisser dans l’urne des noms connus» BARBARA LANTHEMANN, PRÉSIDENTE DU PS DU VALAIS ROMAND