Le Temps

Leone et sa grosse farce mexicaine

- Par Antoine Duplan

Juan Miranda (Rod Steiger) arraisonne une diligence pleine de bourgeois suintant le mépris de la plèbe. La señora, celle qui évoquait naguère la promiscuit­é des gueux dans leurs gourbis, il l’emmène dans la grange et déballe son engin. Elle est troublée par le calibre de l’obscur objet de son désir, elle frémit, subodore la virilité du péon crasseux… Il n’y a pas de viol puisqu’elle succombe au charme du rustre, comme n’importe quelle femme de la haute. Elle est infâme, la première scène d’Il était une fois… la révolution (1970).

Juan tombe sur un motocyclis­te aux poches bourrées d’explosifs, John «Sean» Mallory (James Coburn), un indépendan­tiste irlandais venu se faire oublier au Mexique. Il l’enrôle pour braquer la banque de Mesa Verde, tandis que la révolution mexicaine embrase la région. Les deux hommes que tout oppose deviendron­t les meilleurs amis de la terre. L’Irlandais cultivé apprécie les analyses politiques de son comparse («Pancho Villa a des couilles comme ça», avec les mains mimant deux noix de coco) et quand celui-ci vitupère les intellectu­els, le dynamiteur abjure Bakounine. Les massacres alternant nitroglycé­rine et mitrailleu­se sont nombreux et denses, les morts toujours très beaux, très propres et sereins avec leurs yeux vers le ciel. Avec trois balles dans le dos, un compañero plaisante comme un vacancier… Après avoir touché au sublime avec

Il était une fois dans l’Ouest, Sergio Leone se vautre dans une forme de goguenardi­se paresseuse, ponctuée de gags explosifs et dominée par la vulgarité. Le maître du western spaghetti perd le tempo: les scènes s’éternisent, les dialogues s’enlisent. Les personnage­s sont des caricature­s. Pis que tout: les flash-back lelouchien­s renvoyant au temps du bonheur. Ils montrent au ralenti Sean et son alter ego batifoler avec une fille. Ces

Jules et Jim de la verte Erin exultent à s’en décrocher la mâchoire…

Ennio Morricone est lui aussi dans les choux. Reniant l’harmonica, il bricole une bande-son absurde, un peu de synthé cancanant, des sifflement­s oiseux, des choeurs évanescent­s, trois aboiements et, comble du ridicule, des «Sean Sean Sean» en tierces séraphique­s évoquant davantage la musique d’ambiance d’un bordel de Macao que Viva Zapata! ■

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