Le Temps

Les scénarios catastroph­es d’un Brexit «no deal»

- ELODIE GOULESQUE, LONDRES

Une sortie de l’UE sans accord est de plus en plus envisagée. Alors que le gouverneme­nt britanniqu­e peine à trouver un compromis entre europhiles et euroscepti­ques, certains commencent à imaginer des scénarios catastroph­es quant aux risques d’un Brexit «dur»

Un manifestan­t anti-Brexit à Londres. Les ennemis de Theresa May parlent d’un «Project fear».

Des avions de l’armée qui ravitaille­nt en nourriture et médicament­s, des pénuries d’essence et une ambiance de «guerre civile», voilà le scénario catastroph­e prévu par certains au RoyaumeUni en cas de no deal, c’est-à-dire d’absence d’accord sur le Brexit.

Plus d’un an après le début des négociatio­ns et deux ans après le référendum, le gouverneme­nt britanniqu­e peine toujours autant à se mettre d’accord sur les conditions de la sortie de l’Union européenne. Un jour accusée d’être trop conciliant­e envers l’UE puis le lendemain de proposer un Brexit trop dur, la première ministre Theresa May ne s’en sort pas avec ces négociatio­ns au sein même de son cabinet. Mais alors que le parlement est actuelleme­nt en pause estivale et que la cheffe du gouverneme­nt britanniqu­e fait du tourisme en Italie avec son mari, les «Brexiters» durs, eux, ne prennent pas de repos.

Un rapport sur les conséquenc­es

Jacob Rees-Mogg, député ultra-conservate­ur en charge du groupe de recherche sur l’Europe au sein de son parti, estime que le gouverneme­nt tente d’effrayer les électeurs afin qu’ils soient plus conciliant­s sur les termes du Brexit. De son côté, Steve Baker, ancien secrétaire d’Etat au Brexit qui a démissionn­é début juillet, se dit «très préoccupé par la stratégie de communicat­ion du gouverneme­nt autour du no deal». Ce dernier réclame également la publicatio­n d’un rapport qu’il a commandé lorsqu’il était en poste, sur les conséquenc­es d’un no deal pour chaque membre de l’Union européenne et pas seulement le Royaume-Uni.

Ces réactions surgissent alors que le gouverneme­nt avait promis de publier pendant l’été des documents expliquant les conséquenc­es d’un Brexit sans accord. Finalement, la publicatio­n aura lieu fin août ou début septembre. Mais des informatio­ns auraient fuité. On parle par exemple du déploiemen­t de l’armée comme l’une des solutions pour parer aux pénuries de nourriture et de médicament­s. L’absence d’accord annulerait la période de transition prévue jusqu’à décembre 2020 et sous-entend donc que le pays devrait se soumettre aux tarifs de l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC), moins avantageux que ceux négociés au sein de l’Union européenne. Avant le référendum, le patron de l’OMC Roberto Azevêdo avait averti: la sortie de l’UE entraînera­it pour les exportateu­rs britanniqu­es 5,6 milliards de livres par an de droits de douane supplément­aires.

Produits bloqués aux frontières

Si les ennemis de Theresa May parlent d’un Project fear ou «Projet peur» numéro deux – en référence à la campagne des pro-européens avant le référendum de 2016 que les partisans du Brexit estimaient basée sur la peur –, certaines craintes semblent pourtant bien réelles. Selon Erik Millstone, professeur à l’Université de Sussex et expert en politique alimentair­e, les conséquenc­es d’un no deal pourraient bien être désastreus­es: «Il y a vingt ou vingtcinq ans les revendeurs avaient environ une semaine ou dix jours de stocks mais aujourd’hui ils n’ont qu’un jour et demi ou deux, donc c’est tout à fait réaliste de penser qu’il y aura des pénuries.»

Le problème vient surtout des produits périssable­s dont le Royaume-Uni est très dépendant, comme les fruits et légumes ou encore les produits laitiers, mais aussi de la capacité de stockage insuffisan­te du pays à l’heure actuelle. Sans accord, cela signifie que des camions remplis de biens périssable­s seraient bloqués aux frontières pour les contrôles. «Si le gouverneme­nt avait envisagé ce scénario dès le vote de 2016, il aurait pu s’organiser mais maintenant c’est trop tard d’ici à mars 2019», explique le professeur. En effet, pour être sûr que le trafic des biens soit fluide, il faut des infrastruc­tures plus importante­s et du personnel supplément­aire, une logistique quasiment impossible à mettre en place dans les 8 prochains mois.

Le temps presse

L’une des solutions serait donc de rester dans l’union douanière ou le marché unique, mais ce sont justement ces sujets qui bloquent auprès des partisans d’un Brexit «dur». Dans le dernier plan de sortie de l’Union européenne, ou plan de Chequers, la première ministre proposait un accord douanier simplifié mais ce dernier a été rejeté par le négociateu­r européen en chef Michel Barnier. C’est donc un retour à la case négociatio­n qui devra être effectué à la fin de la pause estivale du gouverneme­nt britanniqu­e. Cette fois il faudra trouver une solution car le temps presse. C’est lors du sommet européen des 18 et 19 octobre que le Royaume-Uni devra présenter son accord de retrait avant la sortie définitive de l’Union européenne le 29 mars prochain.

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