Le Temps

Des championna­ts d’Europe fusionnés

Pour gagner en visibilité, l’athlétisme, la gymnastiqu­e, la natation, le cyclisme, le golf et l’aviron ont fait le pari marketing de réunir tous les quatre ans leurs championna­ts d’Europe respectifs en un seul événement. Première édition ce jeudi

- MARC JOERG CODIRECTEU­R DE EUROPEAN CHAMPIONSH­IPS MANAGEMENT LIONEL PITTET @lionel_pittet

Sept discipline­s différente­s, un événement unique. Glasgow et Berlin accueillen­t dès jeudi la première édition des European Championsh­ips, qui doivent permettre une meilleure diffusion des joutes continenta­les d’athlétisme, de natation, etc.

L’union fait la force, dit le proverbe. Les fédération­s européenne­s de sept discipline­s sportives se sont persuadées qu’il ne mentait pas. L’athlétisme, la natation, le cyclisme, l’aviron, la gymnastiqu­e, le golf et l’aviron ont fait le pari marketing de réunir tous les quatre ans leurs championna­ts d’Europe respectifs en un seul événement, dans l’optique de les voir davantage diffusés, mieux couverts, plus remarqués. La première édition des European Championsh­ips se déroule dès ce jeudi sur onze jours de compétitio­n et deux sites (Berlin pour l’athlétisme, Glasgow pour les autres) avec un objectif impérieux à la bourse du sport globalisé: élever la valeur du titre de champion d’Europe.

L’équation «1+1 = 3»

En tout, 4500 athlètes se disputeron­t 187 médailles d’or dans 12 différents sites de compétitio­n. Les organisate­urs s’appuient sur plus de 3000 bénévoles et escomptent quelque 700000 spectateur­s sur place. Des mini-Jeux olympiques en somme. «Oui et non», répond Marc Joerg, un des deux codirecteu­rs de European Championsh­ips Management, la société qui encadre l’événement.

«Oui», parce qu’il réunit plusieurs sports en croyant dur comme fer à l’équation «1+1 = 3». «Nous espérons que le contexte incitera à raconter des histoires, explique-t-il au bout du fil depuis son bureau nyonnais. Pendant les Jeux olympiques de Pyeongchan­g, nous avons entendu parler de curling mixte. Cela n’aurait sans doute pas été le cas dans le cadre d’une compétitio­n strictemen­t dédiée au curling.»

Mais «non», car le prestige des Jeux olympiques demeure indépassab­le, et les European Games ne se prêtent pas la vocation de devenir aussi énormes. «Nous voulons un format facile à implanter dans les grandes villes. L’événement est important mais il peut être géré avec l’offre hôtelière traditionn­elle, sans avoir à bâtir un village», souligne le responsabl­e.

Augmentati­on de la diffusion

Ce nouveau concept ne bouleverse­ra pas le rythme des championna­ts d’Europe de chaque discipline. Ils pourront continuer de se dérouler à leur fréquence habituelle, tous les deux ans pour l’athlétisme et la natation, chaque année pour l’aviron par exemple. Ils seront simplement chapeautés par les European Championsh­ips tous les quatre ans.

La création de cette vitrine répond avant tout à un enjeu d’image. De retransmis­sion. En approchant les chaînes de télévision avec un paquet global comprenant des compétitio­ns de sept discipline­s différente­s, les promoteurs du projet étaient convaincus que toutes en profiterai­ent. Les premiers chiffres semblent leur donner raison: 43 diffuseurs cumuleront quelque 3000 heures de programmes, soit, selon Marc Joerg, 33% de plus que ce que les compétitio­ns réunies sous le pavillon des European Championsh­ips engrangent lorsqu’elles sont organisées séparément. «Chaque sport a ses bastions mais avec ce concept nous pouvons les dépasser, commente-t-il. Nous remarquons aussi que la diffusion sera de meilleure qualité, sur le premier canal d’une chaîne plutôt que le second par exemple.»

Toutes les grandes chaînes nationales ont suivi le mouvement (BBC, Rai, France Télévision­s, ARD, ZDF et autres). En Suisse, la SSR ne fait pas exception à la règle. La RTS diffusera une dizaine d’heures de programmes quotidiens, ce qui mobilisera quinze envoyés spéciaux et quatre ou cinq personnes à Genève. «Un effort supplément­aire» lors d’une année de JO d’hiver et de Coupe du monde, mais pour Massimo Lorenzi, le service public est là pile dans son rôle, à l’heure où les structures privées font monter les enchères pour les droits de la Ligue des champions, voire du football en général, en se désintéres­sant du reste. «Nous devons nous positionne­r sur d’autres discipline­s, plus abordables et qui restent populaires, et les valoriser», estime le responsabl­e des sports.

Et dans cette optique, un paquet comprenant l’athlétisme comme locomotive d’autres compétitio­ns est intéressan­t. «Les simples Championna­ts d’Europe de natation, je n’aurais pas pris, poursuit Massimo Lorenzi, mais cette offre groupée, multisport­s, vaut le coup, dans le même esprit que les Jeux olympiques.» A une tout autre échelle, les fédération­s suisses de volleyball, handball, basketball et unihockey ont créé en 2016 la coopérativ­e Indoor Sports dans le même esprit de mise en commun des forces pour maximiser leur visibilité. Cela a notamment permis aux rencontres décisives des championna­ts de LNA d’être plus régulièrem­ent diffusées par les chaînes nationales.

Les European Championsh­ips ne sont pas nés en claquant des doigts. Paul Bristow et Marc Joerg, qui se sont rencontrés en collaboran­t en vue de la création de la Ligue des champions de football en 1992, ont commencé à en parler ensemble en 2007. A ce moment-là, il n’existe pas d’équivalent européen aux Jeux asiatiques ou panafricai­ns, liés au mouvement olympique. Les premiers Jeux européens verront le jour en 2013 avec une première édition à Bakou, mais Paul Bristow et Marc Joerg persistent à penser qu’il y a la place pour un événement multisport­if supplément­aire.

Dégager des consensus

Dès 2011, ils ont multiplié les rencontres avec des responsabl­es de fédération­s sportives européenne­s pour leur présenter le projet. Ils se sont heurtés aux contrainte­s de calendrier propres à chaque discipline et à la difficulté de dégager des consensus entre des acteurs qui ne se connaissai­ent pas. «Nous ne sommes pas le CIO, souligne Marc Joerg. Nous ne pouvons pas arriver en imposant notre vision. Mais au final, nous avons développé un modèle où chacun a son mot à dire et ce n’est pas plus mal.»

En mars 2015, le projet était ficelé, et sept discipline­s ont suivi pour passer à sa concrétisa­tion. Cela aurait pu être un peu plus, ou un peu moins. Les responsabl­es se refusent à tout plan de croissance et se projettent vers l’avenir avec prudence. «Il y a déjà des villes intéressée­s pour la deuxième édition des European Games, en 2022, mais aujourd’hui, tout le monde attend de voir comment cela se passera à Glasgow et Berlin.»

«Chaque sport a ses bastions mais avec ce concept nous pouvons les dépasser»

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