Paul Manafort affronte les juges
Le procès de l’ancien directeur de campagne de Donald Trump, accusé de blanchiment, fraude fiscale et lobbying illégal, démarre ce mardi. Premier inculpé dans le cadre de l’affaire russe, il a toujours refusé de collaborer avec le procureur spécial Robert
Alors que Donald Trump n’en finit plus de s’en prendre au procureur spécial Robert Mueller qui enquête sur l’affaire russe, un autre homme se fait plus discret: Paul Manafort. Celui qui fut le chef de campagne de Donald Trump pendant la présidentielle de 2016. Il est le premier à avoir été inculpé par Robert Mueller. Son procès débute ce mardi. Fini l’époque où il étalait ses «talents» de lobbyiste agressif en prodiguant des conseils aux dictateurs Mobutu Sese Seko, Teodoro Obiang ou Ferdinand Marcos.
Son calvaire démarre le 18 août 2016, en pleine campagne présidentielle. Il a été contraint ce jour-là à démissionner, rattrapé notamment par des révélations sur son implication dans une affaire de corruption en Ukraine. C’est le non moins controversé Steven Bannon, limogé depuis, qui l’a remplacé. Paul Manafort est soupçonné d’avoir reçu plus de 30 millions de dollars entre 2007 et 2012, comme consultant pour le parti prorusse de l’ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch, un proche de Vladimir Poutine. Il est également accusé d’avoir été en contact régulier avec des officiels russes, dont des membres des services de renseignement, ou l’oligarque Oleg Deripaska.
Douze chefs d'accusation
Le personnage est suffisamment trouble pour que Robert Mueller, chargé de faire la lumière sur les soupçons de collusion entre l’équipe de Trump et Moscou dans le cadre de la présidentielle de 2016, décide de l’inculper, le 30 octobre 2017. Douze chefs d’accusation ont été retenus contre lui et son associé Richard Gates, inculpé le même jour. Il est notamment accusé de complot contre les Etats-Unis, de blanchiment, de fausses déclarations et non-déclarations de comptes détenus à l’étranger – plus de 75 millions de dollars auraient transité par des comptes offshore gérés par les deux hommes – et de lobbying illégal. Il plaide non coupable pour l’ensemble des charges qui le visent.
L’acte d’accusation de 31 pages ne suggère pas directement d’acte de collusion, mais depuis début juin Paul Manafort est aussi accusé de tentative de subornation de témoins. Son procès va-t-il permettre des révélations à propos de l’ingérence russe dans la présidentielle américaine? C’est bien sûr ce qu’espèrent, sans vraiment y croire, Robert Mueller et son équipe. La tâche s’annonce toutefois ardue: contrairement aux autres membres de l’équipe de campagne inculpés, Manafort a toujours refusé de passer un accord et de collaborer avec Robert Mueller. Il préfère risquer une lourde peine de prison. Elle pourrait aller jusqu’à 305 ans. Cherche-t-il coûte que coûte à protéger quelqu’un? Ou alors pèche-t-il par excès de confiance? En février, Richard Gates a lui accepté de coopérer avec le procureur spécial. Il a notamment admis avoir menti au FBI, en échange de l’abandon de certaines charges. Une attitude qui, on s’en doute, a fortement déplu à Paul Manafort, fidèle à ses principes.
Cette semaine, après la composition du jury, il comparaîtra dans l’Etat de Virginie pour blanchiment et fraude fiscale. En septembre, il fera face à un tribunal de Washington pour les autres accusations. Paul Manafort n’attend pas son procès sagement à la maison, un bracelet électronique attaché à la cheville. Le lobbyiste de 69 ans est en détention depuis mi-juin, après un régime de liberté conditionnelle. Il était jusque-là assigné à résidence, dans l’Etat de Virginie. Le jour où une juge fédérale de Washington a prononcé son nouveau statut, Donald Trump n’a pas pu s’empêcher de se plaindre sur Twitter: «Wow, quelle peine sévère pour Paul Manafort, qui a représenté Ronald Reagan, Bob Dole et beaucoup d’autres responsables politiques et campagnes. Je ne savais pas que Manafort était à la tête de la mafia. Qu’en est-il de Comey, «Crooked Hillary» et tous les autres? Très injuste!»
Pour Robert Mueller, en revanche, la décision était bien celle qu’il espérait: l’incarcération de Manafort était pour lui indispensable, histoire qu’il ne puisse plus continuer à chercher à influencer des témoins invités à son procès, comme il l’a fait ces derniers mois.
Des accords de collaboration
A quelques jours du procès, Donald Trump a une nouvelle fois accusé, dimanche, Robert Mueller de conflits d’intérêts. Le président américain continue de dénoncer, à travers une série de tweets accusateurs, une «chasse aux sorcières orchestrée par les démocrates». Il déteste Robert Mueller, qui a repris l’enquête amorcée par James Comey, le patron du FBI limogé en mai 2017, et ne s’en cache pas. Robert Mueller vient d’inculper, le 14 juillet, 12 agents du renseignement russe accusés d’avoir piraté les ordinateurs du Parti démocrate pendant la campagne de 2016, quelques jours avant la rencontre entre Donald Trump et son homologue russe, Vladimir Poutine.
Des inculpations qui s’ajoutent à celles prononcées le 30 octobre contre Paul Manafort, Richard Gates et George Papadopoulos, chargé des questions de politique étrangère pendant la campagne présidentielle. Le 1er décembre 2017, c’est Michael Flynn, l’ancien conseiller à la Sécurité nationale du président, qui a à son tour été inculpé. Lui aussi, contrairement à Manafort, a accepté de collaborer avec Robert Mueller.
Il reste un personnage clé qui n’a toujours pas été auditionné: Donald Trump lui-même.
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Il préfère risquer une lourde peine de prison. Elle pourrait aller jusqu’à 305 ans. Cherche-t-il coûte que coûte à protéger quelqu’un? Ou alors pèche-t-il par excès de confiance?