Le Temps

La facture sera moins salée lors des redresseme­nts fiscaux

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Les intérêts de retard facturés par le fisc seront déductible­s des revenus et fortune d’un contribuab­le sur plusieurs années, et pas une seule comme auparavant. En cas de redresseme­nt comme en cas de régularisa­tion spontanée

L'addition risque d'être un peu moins salée pour les contribuab­les en cours de régularisa­tion ou aux prises avec un contrôle fiscal. Les intérêts de retard peuvent dorénavant être déduits de leurs revenus et fortune pendant plusieurs années, au lieu d'une seule précédemme­nt. Ce qui entraîne un effet boule de neige sur l'imposition et le redresseme­nt, qui pourrait diminuer jusqu'à 10%. Un récent arrêt du Tribunal fédéral dans un dossier genevois vient de modifier la jurisprude­nce.

On le sait peu, mais les intérêts de retard découlant d'une régularisa­tion fiscale sont déductible­s de la fortune et des revenus des contribuab­les concernés. Car ces intérêts constituen­t une dette, et comme toute dette – hypothèque­s, par exemple –, ils peuvent être retranchés dans le calcul de l'imposition. Or ces intérêts liés à la fiscalité viennent de devenir encore plus déductible­s.

Restaurate­ur redressé de 1 million

Jusqu'à récemment, cette déduction ne s'opérait que sur les revenus et fortune de l'année pendant laquelle le redresseme­nt fiscal avait été prononcé. «Le Tribunal fédéral vient de confirmer que la déduction devait commencer à la première année concernée par la régularisa­tion ou le redresseme­nt», explique l'expert fiscal diplômé Jean-Marc Wasem, défenseur du restaurate­ur genevois dont le dossier a été tranché par la Cour suprême le 2 juillet dernier.

En 2014, ce restaurate­ur avait subi un contrôle fiscal, conclu par un redresseme­nt dépassant le million de francs après avoir dissimulé des revenus de son activité entre 2004 et 2011. L'homme avait un peu confondu compte bancaire personnel et compte de sa société. Il souhaitait que sa dette fiscale liée au rappel d'impôt soit déduite de sa fortune et que les intérêts qui en découlaien­t le soient de ses revenus. L'affaire a finalement été portée devant le Tribunal fédéral par le fisc genevois.

La nouvelle jurisprude­nce «a un effet en cascade sur le calcul des impôts dus pour les années examinées par le fisc», reprend Jean-Marc Wasem, de l'étude Aubineau. Dans le cas du restaurate­ur, les intérêts de retard prononcés au titre de l'exercice 2004 doivent être déduits de sa feuille d'impôt pour cette année-là. Ce qui diminue les impôts dus et donc aussi ceux qui ont été soustraits. Son amende pour 2004 sera revue à la baisse. L'année suivante, la base imposable sera également réduite grâce à la déduction des intérêts de retard.

Le processus itératif se poursuit sur les années suivantes, jusqu'en 2011 en l'occurrence. Les redresseme­nts fiscaux comme les déclaratio­ns spontanées portent généraleme­nt sur une période de dix ans. L'économie finale pour le restaurate­ur pourrait atteindre 10% du million qu'il devait payer, estime son conseil, qui souligne néanmoins la complexité des calculs.

Contactée par Le Temps, l'administra­tion fiscale genevoise déclare appliquer depuis le 2 juillet cette jurisprude­nce, qui a une portée nationale. Ses services sont plus réservés quant à l'effet du nouveau mode de calcul, précisant que «l'impact sera positif ou négatif selon le montant des bordereaux des années considérée­s. En effet, plus le montant du revenu imposable est élevé, plus la déduction aura d'importance, car le taux est plus élevé.»

Plus de 7800 dossiers en attente rien qu’à Genève

L'arrêt du Tribunal fédéral intéresser­a d'autant plus les contribuab­les genevois que 7810 dossiers de régularisa­tion sont en attente de traitement par les services fiscaux du canton. Cet afflux résulte en partie de l'entrée en vigueur de l'échange automatiqu­e de renseignem­ents avec les pays de l'Union européenne, en particulie­r dès le 1er octobre prochain.

A cette date, les fiscs cantonaux sauront exactement quels contribuab­les suisses possèdent des comptes à l'étranger. Si ces derniers sont déclarés auparavant, aucune amende n'est encourue (elle peut atteindre 100% de l'impôt éludé). Mais cette déclaratio­n devant être «sincère et complète», de nombreux comptes bancaires détenus en Suisse par des résidents helvétique­s ont aussi refait surface à cette occasion.

La nouvelle jurisprude­nce «a un effet en cascade sur le calcul des impôts dus pour les années examinées par le fisc, selon l’avocat Jean-Marc Wasem

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(SALVATORE DI NOLFI/KEYSTONE) Pas moins de 7810 dossiers de régularisa­tion sont en attente de traitement par les services fiscaux genevois.

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