La facture sera moins salée lors des redressements fiscaux
Les intérêts de retard facturés par le fisc seront déductibles des revenus et fortune d’un contribuable sur plusieurs années, et pas une seule comme auparavant. En cas de redressement comme en cas de régularisation spontanée
L'addition risque d'être un peu moins salée pour les contribuables en cours de régularisation ou aux prises avec un contrôle fiscal. Les intérêts de retard peuvent dorénavant être déduits de leurs revenus et fortune pendant plusieurs années, au lieu d'une seule précédemment. Ce qui entraîne un effet boule de neige sur l'imposition et le redressement, qui pourrait diminuer jusqu'à 10%. Un récent arrêt du Tribunal fédéral dans un dossier genevois vient de modifier la jurisprudence.
On le sait peu, mais les intérêts de retard découlant d'une régularisation fiscale sont déductibles de la fortune et des revenus des contribuables concernés. Car ces intérêts constituent une dette, et comme toute dette – hypothèques, par exemple –, ils peuvent être retranchés dans le calcul de l'imposition. Or ces intérêts liés à la fiscalité viennent de devenir encore plus déductibles.
Restaurateur redressé de 1 million
Jusqu'à récemment, cette déduction ne s'opérait que sur les revenus et fortune de l'année pendant laquelle le redressement fiscal avait été prononcé. «Le Tribunal fédéral vient de confirmer que la déduction devait commencer à la première année concernée par la régularisation ou le redressement», explique l'expert fiscal diplômé Jean-Marc Wasem, défenseur du restaurateur genevois dont le dossier a été tranché par la Cour suprême le 2 juillet dernier.
En 2014, ce restaurateur avait subi un contrôle fiscal, conclu par un redressement dépassant le million de francs après avoir dissimulé des revenus de son activité entre 2004 et 2011. L'homme avait un peu confondu compte bancaire personnel et compte de sa société. Il souhaitait que sa dette fiscale liée au rappel d'impôt soit déduite de sa fortune et que les intérêts qui en découlaient le soient de ses revenus. L'affaire a finalement été portée devant le Tribunal fédéral par le fisc genevois.
La nouvelle jurisprudence «a un effet en cascade sur le calcul des impôts dus pour les années examinées par le fisc», reprend Jean-Marc Wasem, de l'étude Aubineau. Dans le cas du restaurateur, les intérêts de retard prononcés au titre de l'exercice 2004 doivent être déduits de sa feuille d'impôt pour cette année-là. Ce qui diminue les impôts dus et donc aussi ceux qui ont été soustraits. Son amende pour 2004 sera revue à la baisse. L'année suivante, la base imposable sera également réduite grâce à la déduction des intérêts de retard.
Le processus itératif se poursuit sur les années suivantes, jusqu'en 2011 en l'occurrence. Les redressements fiscaux comme les déclarations spontanées portent généralement sur une période de dix ans. L'économie finale pour le restaurateur pourrait atteindre 10% du million qu'il devait payer, estime son conseil, qui souligne néanmoins la complexité des calculs.
Contactée par Le Temps, l'administration fiscale genevoise déclare appliquer depuis le 2 juillet cette jurisprudence, qui a une portée nationale. Ses services sont plus réservés quant à l'effet du nouveau mode de calcul, précisant que «l'impact sera positif ou négatif selon le montant des bordereaux des années considérées. En effet, plus le montant du revenu imposable est élevé, plus la déduction aura d'importance, car le taux est plus élevé.»
Plus de 7800 dossiers en attente rien qu’à Genève
L'arrêt du Tribunal fédéral intéressera d'autant plus les contribuables genevois que 7810 dossiers de régularisation sont en attente de traitement par les services fiscaux du canton. Cet afflux résulte en partie de l'entrée en vigueur de l'échange automatique de renseignements avec les pays de l'Union européenne, en particulier dès le 1er octobre prochain.
A cette date, les fiscs cantonaux sauront exactement quels contribuables suisses possèdent des comptes à l'étranger. Si ces derniers sont déclarés auparavant, aucune amende n'est encourue (elle peut atteindre 100% de l'impôt éludé). Mais cette déclaration devant être «sincère et complète», de nombreux comptes bancaires détenus en Suisse par des résidents helvétiques ont aussi refait surface à cette occasion.
La nouvelle jurisprudence «a un effet en cascade sur le calcul des impôts dus pour les années examinées par le fisc, selon l’avocat Jean-Marc Wasem