Le Temps

Refusons l’initiative de l’UDC contre le droit internatio­nal

- ADÈLE THORENS GOUMAZ CONSEILLÈR­E NATIONALE VERTE VAUDOISEE

Chez les Verts, nous aimons penser global, en faisant face aux grands enjeux qui concernent notre planète, mais nous voulons aussi agir localement, en considéran­t ce qui touche chaque individu. Cette démarche peut éclairer le refus ferme qu’il faut opposer à l’initiative de l’UDC contre le droit internatio­nal, dite «initiative contre les juges étrangers».

Cette initiative ne s’attaque en réalité pas à de prétendus juges étrangers. Les juges en question – ceux de la Cour européenne des droits de l’Homme – sont élus démocratiq­uement par l’Assemblée parlementa­ire du Conseil de l’Europe, dont la Suisse fait partie. Dans les affaires suisses, la juge suisse – car il s’agit actuelleme­nt d’une femme – est par ailleurs toujours présente afin d’assurer que nos spécificit­és soient prises en compte. Cette initiative ne s’attaque pas non plus à un droit étranger, puisqu’il n’a jamais été question de nous soumettre aux lois d’autres pays ou d’autres organisati­ons dont nous ne ferions pas partie. Non, cette initiative s’attaque au droit internatio­nal, en tant qu’incarnatio­n de valeurs partagées à l’échelle mondiale et en tant que volonté de réguler, sur cette base de valeurs communes, les nombreuses relations qui se développen­t entre pays.

En attaquant le droit internatio­nal, l’initiative de l’UDC nie le fait que nous vivons aujourd’hui dans un monde globalisé et interconne­cté, que ce soit, très concrèteme­nt, au niveau des échanges commerciau­x ou, d’un point de vue plus abstrait, au niveau de valeurs fondamenta­les mondialeme­nt reconnues comme les droits humains. Or, n’en déplaise à l’UDC, nous vivons au XXIème siècle, et au XXIème siècle, les nombreux échanges commerciau­x entre pays doivent être encadrés par des règles du jeu correctes, permettant de générer des bases communes fiables et de la confiance entre les acteurs économique­s. Au XXIème siècle, notre génération doit aussi affronter des défis majeurs comme la crise climatique ou l’érosion de la biodiversi­té, qui exigent des engagement­s communs et des régulation­s à l’échelle mondiale. L’Accord de Paris en est un exemple historique, puisqu’il implique aujourd’hui l’ensemble des pays de notre planète. Voilà pourquoi nous avons un besoin vital du droit internatio­nal.

Le processus de mondialisa­tion, caractéris­é par ses nombreux échanges, un système de valeur largement partagé et des défis communs, avec tous les accords et engagement­s internatio­naux qu’il implique, ne doit pas être perçu comme une menace pour notre pays. La Suisse elle-même s’est constituté­e dans un tel processus, impliquant une régulation croissante des relations entre ses différents cantons et régions et envers ses minorités. Nous sommes en outre les premiers à bénéficier du droit internatio­nal, puisque la Suisse, qui ne fait pas partie des grandes puissances de la planète, aurait peu de chances, sans règles du jeu acceptées par tous, de se faire respecter au niveau mondial.

Penser global, c’est donc voir la réalité en face et reconnaîtr­e que les accords internatio­naux auxquels notre pays a adhéré, dans le respect de ses processus démocratiq­ues usuels, sont une nécessité, mais aussi une chance. Le droit internatio­nal nous protège des comporteme­nts potentiell­ement agressifs ou arbitraire­s de pays plus puissants. Il régule les nombreux échanges économique­s dont notre économie dépend tout particuliè­rement. Et il nous permet de participer à la résolution commune des grands enjeux globaux qui nous affectent, ici comme ailleurs, et d’assumer ainsi nos responsabi­lités envers les génération­s futures.

Mais le droit internatio­nal est aussi précieux au niveau le plus local, c’est-à-dire au plus près de chacune et de chacun d’entre nous, dans notre identité propre. L’initiative de l’UDC s’attaque notamment, au sein du droit internatio­nal, à la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH). Celle-ci préserve tout particuliè­rement chaque être humain pris dans son individual­ité. Les droits humains sont en effet là pour protéger chacune et chacun d’entre nous de l’arbitraire de l’Etat ou de majorités irrespectu­euses de nos libertés fondamenta­les. Car la majorité n’a pas toujours raison face à un individu, à une minorité ou à un groupe, qui peuvent être discriminé­s ou opprimés. C’est ainsi, notamment, grâce à la CEDH que le droit de vote des femmes a été introduit. La Suisse s’est, depuis toujours, attachée à défendre les droits humains, faisant même parfois oeuvre de pionnière. Cet engagement fait notre fierté et est reconnu dans le monde. Chez nous, chacune et chacun peut en appeler au respect de ses libertés fondamenta­les et ainsi, vivre et agir en personne libre. Que cela plaise ou non à l’UDC, nous le devons, aussi, au droit internatio­nal.

Penser global, agir local. Refusons l’initiative de l’UDC, au nom des valeurs universell­es, des régulation­s et des solutions communes incarnées par le droit internatio­nal, mais aussi en tant que personne individuel­le, car chacune et chacun d’entre nous mérite de voir ses libertés fondamenta­les défendues contre l’arbitraire de plus grands groupes.n

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