Surenchère verbeuse
C’est un drôle de vilain mot. Dans la foulée de cataplasme, chiasme et ectoplasme, on trouve le pléonasme. Et son emploi est parfois aussi laid que son nom, faisant passer ses usagers pour des analphabètes. Autrement dit, cette redondance de termes donne un air bêta à une phrase qui se voudrait soignée et qui en devient plate, et par la même occasion à son auteur, qui souligne son propos de manière maladroite.
Cette figure de style peut passer inaperçue tant elle est banale, noyée dans le flot des mots, comme «voire même», «car en effet», «il suffit simplement», «s’entraider mutuellement». Ou sauter au visage tels «monopole exclusif», «hasard imprévu», «faux prétexte» ou «principal protagoniste». Alors que, suivant son étymologie, il ne s’agit que d’une simple exagération (tiens, voilà une association de mots qui ressemble fort à un oxymore, l’opposé stylistique du pléonasme, soit une collision de termes contraires…), le Dictionnaire des difficultés
Larousse faisant même allusion à une «répétition parfois voulue» et à l’existence de «pléonasmes heureux».
Car il peut revêtir une dimension littéraire ou poétique, certains auteurs ne craignant pas d’évoquer la «noire mélancolie» ou Rimbaud de «vieilles vieilleries». Pourtant, l’Académie française a statué en 1936: «Quand le pléonasme n’ajoute rien à la force ou à la grâce du discours, il est vicieux.»
Voilà à quoi elle est réduite, cette intention verbale boursouflée, cette emphase malfaisante et sournoise qui s’insinue dans tous les univers, de la «secousse sismique» à la «panacée universelle» en passant par la «constellation d’étoiles»: à une dépravation du langage. Comme c’est dommage. D’ailleurs, le titre même de cette chronique est… un pléonasme. L’aviez-vous remarqué?