Le Temps

L’agricultur­e, pierre d’achoppemen­t entre l’Europe et les Etats-Unis

- RAM ETWAREEA @ram52

«Make our farmers great again». Avec ce slogan, le président américain Donald Trump montre sa proximité avec les agriculteu­rs américains. Ces derniers constituen­t une base électorale solide pour le Parti républicai­n.

GUERRE COMMERCIAL­E Le président américain a présenté le compromis négocié la semaine passée comme une percée des exportatio­ns agricoles américaine­s en Europe. Plusieurs pays européens, dont la France, ne l’entendent pas de cette oreille

L’accord négocié il y a une semaine entre Donald Trump et Jean-Claude Juncker à la Maison Blanche est-il mort-né? «Dans les meilleurs des cas, il suspend la menace de surtaxe de 20% sur les automobile­s importées aux Etats-Unis, ce qui était une source d’inquiétude allemande, souligne Hosuk Lee-Makiyama, directeur de l’European Centre for Internatio­nal Political Economy (ECIPE), un centre d’analyses économique­s basé à Bruxelles. Aux Etats-Unis, le compromis donne au président américain un argument auprès de son électorat rural.»

L’Union européenne (UE) s’est en effet engagée à acheter davantage de soja et de gaz américains. En échange, les Etats-Unis reportent le projet d’imposer une taxe supplément­aire sur les voitures importées en attendant que les deux parties négocient un accord global sur le commerce des produits industriel­s. Donald Trump présente le compromis comme une grande victoire, plus particuliè­rement pour les exportateu­rs agricoles qui constituen­t une base électorale solide pour le Parti républicai­n.

L’accord est tout de même tombé à point nommé. Les électeurs américains sont appelés aux urnes en novembre pour les élections au Congrès de mi-mandat. La semaine passée à la sortie de son rendez-vous avec le président de la Commission européenne, Donald Trump a, dans un message électroniq­ue adressé à ses donateurs, présenté l’accord comme une victoire pour les agriculteu­rs américains.

Lundi dernier, le secrétaire d’Etat américain à l’Agricultur­e Sonny Perdue a renchéri en affirmant que le dossier agricole fera partie des discussion­s plus larges prévues dans l’accord Juncker-Trump. L’Europe qui subvention­ne son agricultur­e et la protège en mettant en place diverses barrières ne l’entend pourtant pas de cette oreille.

Si l’accord TrumpJunck­er a déjà du plomb dans l’aile, c’est parce qu’il ne fait pas l’unanimité auprès des Vingt-Huit

Le directeur de l’ECIPE n’exclut pas que le président Trump brandisse une menace ces prochains jours contre le Japon. Enjeu: obtenir une concession ou une promesse qui pourrait rassurer les Américains dans le cadre des élections de novembre. Il rappelle que l’administra­tion américaine vient de débloquer une aide de 12 milliards de dollars pour les agriculteu­rs mis en difficulté par la guerre commercial­e.

Hosuk Lee-Makiyama fait remarquer que l’accord selon lequel l’Europe achèterait davantage de soja est superficie­l. «D’une part, l’importatio­n de ce produit destiné à l’alimentati­on animale n’a aucune restrictio­n en Europe. D’autre part, les Européens en achètent déjà beaucoup. Pour cause, son prix s’est écroulé ces dernières semaines suite à la chute brutale de la demande chinoise.» Dans ce cas précis, selon lui, il n’y avait nul besoin d’accord politique.

Opposition française

Mais si l’accord Trump-Juncker a déjà du plomb dans l’aile, c’est aussi parce qu’il ne fait pas l’unanimité auprès des Vingt-Huit. Dès la semaine dernière, la France est montée au front et a refusé l’ouverture des négociatio­ns commercial­es globales avec les Etats-Unis. «Nous ne voulons pas entrer dans la négociatio­n d’un grand accord dont nous avons vu les limites avec le Partenaria­t transatlan­tique pour le commerce et l’investisse­ment (TTIP)» a déclaré le président français Emmanuel Macron à plusieurs reprises. Les négociatio­ns en vue de cet accord avaient débuté en 2013 et ont été suspendues aussitôt après l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche début 2017.

Plusieurs voix dissidente­s se sont fait également entendre au parlement européen. Bernd Lange, député socialiste allemand et président de la commission «commerce internatio­nal» a dénoncé l’absence d’engagement concret dans l’accord Juncker-Trump. Pour sa part, Guy Verhofstat, ancien premier ministre belge et chef de file des libéraux, a fait remarquer que les Etats-Unis ont maintenu la surtaxe punitive sur l’acier et l’aluminium importés d’Europe alors même que l’administra­tion Trump a accordé des exceptions notamment au Japon, la Corée du Sud et au Brésil. Pour Yannick Jadot, député vert français, le président de la Commission a outrepassé son mandat afin de «satisfaire les délires trumpiens».

 ?? (ALEX WONG/GETTY IMAGES) ??
(ALEX WONG/GETTY IMAGES)

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland