Les limites du président sans filtre
Aux Etats-Unis, le procès de Paul Manafort rend Donald Trump particulièrement nerveux. Le président américain vient coup sur coup de se fendre de tweets tellement surréalistes qu’il a fallu vérifier s’ils émanaient bien de son compte officiel et pas d’un «fake Trump». Il met en exergue son mépris de la séparation des pouvoirs avec une transparence déconcertante.
Le procès de son ancien directeur de campagne, un homme au train de vie luxueux qui s’est acheté des vestes en cuir d’autruche à 15000 dollars, remet sur le devant de la scène l’enquête sur l’ingérence russe dans la présidentielle américaine de 2016. Même si, formellement, l’homme comparaît ces jours avant tout pour des actes de blanchiment d’argent et de fraudes bancaires.
Sur Twitter, Donald Trump s’en est d’abord pris à son ministre de la Justice, Jeff Sessions. Il lui demande, alors même que ce dernier a dû se récuser de l’enquête russe, de mettre «immédiatement fin» à ce qu’il considère comme une «chasse aux sorcières biaisée». Puis, alors que le procès se déroule ces jours, il défend Paul Manafort de façon quasi obsessionnelle. Et va jusqu’à suggérer que son protégé est plus maltraité que ne l’a été le boss de la mafia Al Capone, longtemps «ennemi public numéro 1».
Cette ingérence présidentielle choque à plus d’un titre. Au premier jour de son procès, Paul Manafort a été accusé de se croire «au-dessus des lois»; Donald Trump, lui, le revendique en quelque sorte haut et fort à travers les réseaux sociaux. Cette tentative d’obstruction de la justice qu’il effectue au grand jour est une menace pour le bon fonctionnement de la démocratie.
La nervosité extrême du président découle-t-elle des craintes qu’il aurait à avoir des avancées du procureur spécial Robert Mueller, voire de la perspective de nouvelles inculpations? Ce qui est particulièrement frappant dans la méthode Trump, c’est la manière avec laquelle il expose son ressenti sans le moindre filtre. Avec un Robert Mueller qui cherche à valider des thèses d’obstruction de la justice, Trump lui livre en quelque sorte une preuve sur un tweet d’argent. On frise l’autogoal.
Il ne s’agit pas d’un dérapage isolé. Trump vient de clamer que la «collusion n’était pas un crime», tout en assurant qu’il n’y en a jamais eu entre son équipe de campagne et Moscou. Il vient aussi de provoquer un pataquès après sa rencontre avec Vladimir Poutine en tentant d’atténuer la portée de ses e-mails intempestifs, allant jusqu’à évoquer un problème de syntaxe.
Affaibli par l’enquête russe qui empoisonne son mandat depuis le début, le président s’agite dans la perspective des élections de mi-mandat. Mais il semble oublier une chose: avec un tel comportement, le malaise gagne désormais aussi les rangs républicains.
On frise l’autogoal. Il ne s’agit pas d’un dérapage isolé