Le Temps

L’insoutenab­le légèreté de l’adolescenc­e

- STÉPHANE GOBBO, LOCARNO @StephGobbo

La réalisatri­ce chilienne Dominga Sotomayor présente en compétitio­n «Tarde para morir joven», un film tirant paradoxale­ment sa force de son absence d’enjeux dramatique­s

Le film s’ouvre et se clôt sur le même plan: un chien court dans la poussière, il galope, on dirait un cheval. Il s’agit d’un bouvier bernois, mais on est au Chili, quelque part sur une colline dominant une ville, au milieu d’une nature sèche et aride qui menace à tout instant de s’embraser. Deux adolescent­s qui s’aiment plus ou moins, Sofia et Lucas, vivent là avec leurs parents. Ils sont une vingtaine d’adultes et d’enfants à fonctionne­r en communauté, rappelant les hippies d’hier sans être les décroissan­ts de demain. Les images sont comme fanées, délavées. On pourrait être dans les années 1970, avant qu’un poster de Sinéad O’Connor puis l’utilisatio­n du toujours aussi bouleversa­nt Fade Into You de Mazzy Star nous indiquent alors que l’histoire se déroule au début des années 1990. Soit peu après la fin de la dictature.

Dans la torpeur de l’été

Tarde para morir joven joue sur un récit déceptif. On s’attend à ce que quelque chose vienne le faire basculer, mais rien, si ce n’est quelques infimes péripéties. Sofia souhaite retourner en ville, auprès de sa mère, et s’amourache d’un motard plus âgé; Lucas est mélancoliq­ue mais ne sait pas comment s’y prendre pour la récupérer; les adultes vaquent à leurs occupation­s. Les séquences s’étirent parfois inutilemen­t, on est dans la torpeur de l’été, tous attendent avec impatience la fête du Nouvel-An. De cette absence d’enjeux dramatique­s, de cette attente propre à l’adolescenc­e, cet âge où on veut tout de la vie mais où le temps ne passe pas assez vite, naît finalement la force du film, qui passe d’une scène insignifia­nte à de beaux moments de cinéma, comme lorsque Sofia reprend nuitamment à l’accordéon Eternal Flame, des Bangles.

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