On nous prend pour des pantoufles
Chère presse féminine, L’autre jour, égayée par le soleil (et peut-être un peu aussi par un Ricard bien tassé), les doigts collés aux pages «Self estime: la clé du bonheur», «Aimer la vie, les autres, son job et son corps» ou encore «Beauté: sublime et décomplexée», mes sourcils ont soudain fait l’accordéon quand mes yeux mi-clos, de guerre lasse contre la sieste postprandiale, ont parcouru la page Beauté du magazine Avantages du mois d’août, poétiquement intitulée «Beauté story: et pschitt, fini la peau d’orange». (J’aimerais qu’on s’attarde une seconde sur ce titre, annonciateur du conte fantastique contemporain qu’est cet article.)
«Avec ses 18 huiles précieuses, dont la mandarine rouge de Calabre, l’huile sèche minceur *** [marque dont nous tairons le nom mais répétée 16 fois par paragraphe tout au long de
l’article], star de la minceur, fête ses dix ans!» Sortez les cotillons, Mesdames.
En dehors du fait que l’on se contrefout de cet anniversaire comme de la couleur des canines d’un chevreuil des bois zurichois, deux questions subsistent.
1
Pourquoi s’acharner, encore et toujours, à prendre tes honnêtes lectrices pour des pantoufles, presse féminine? Penses-tu sincèrement que celles-ci vont avaler avec le sourire, dans une brume «aromatique et joyeuse», un titre comme «Et pschitt, fini la peau d’orange» sans réaliser que a) on leur ment; et b) ça ne devrait même pas être souhaitable si l’objectif est de parvenir à «l’estime de soi» et à «la beauté sublime et décomplexée»?
2
En admettant qu’on trouve normal de jouer avec les complexes de femmes qu’on a convaincues depuis que le marketing existe que leur corps est imparfait et que leur argent mériterait d’être dépensé pour remédier à ce scandale, à l’INFAMIE, qui consiste à avoir de la peau d’orange (n’as-tu pas honte, sale pelure?): pourquoi illustrer ces «articles» avec des mannequins de 14 ans taille 34 qui ont autant de peau d’orange qu’un kiwi?