Le Temps

L’agricultur­e suisse à l’épreuve de la canicule

A genoux face au manque d’eau et de fourrage, les agriculteu­rs demandent l’appui de la Confédérat­ion. Alors que plusieurs cantons mobilisent l’armée pour abreuver leur bétail, la capacité d’adaptation helvétique au changement climatique est mise à l’épreu

- BORIS BUSSLINGER @BorisBussl­inger

Alors que les fortes chaleurs devraient se poursuivre au moins jusqu’à mercredi prochain, plusieurs cantons ont mis en oeuvre des plans d’urgence, et les paysans s’inquiètent à leur tour des conséquenc­es de la canicule. Ils demandent du soutien à la Confédérat­ion. Dans des endroits isolés, les hélicoptèr­es de l’armée seront mobilisés pour apporter de l’eau au bétail assoiffé.

Confrontés à des précipitat­ions historique­ment faibles, les éleveurs helvétique­s les plus isolés sont dans une situation critique. Ils ne disposent plus que de quelques jours de réserves d’eau. Après le canton de Saint-Gall, Vaud a ainsi annoncé ce vendredi qu’il ferait appel à l’armée, dont les hélicoptèr­es porteront secours au bétail assoiffé dès la semaine prochaine. Pour une période indétermin­ée. Météo-Suisse, qui vient de relever le degré d’avertissem­ent canicule du Valais central et du bassin lémanique à 4 sur 5 (danger fort), les hautes chaleurs devraient en effet perdurer au moins jusqu’à mercredi prochain, avec des pics de températur­e allant jusqu’à 36 degrés en plaine.

La situation est critique, confirme le conseiller national Jacques Bourgeois ( PLR/ FR), président de l’Union suisse des paysans (USP). «Les cultures souffrent beaucoup, notamment les pommes de terre, le maïs et la betterave à sucre. En ce qui concerne les bovins, l’eau se fait rare dans certaines exploitati­ons et les éleveurs doivent entamer le fourrage prévu pour cet hiver, qui fera donc défaut à ce moment-là. De plus, on s’attend à ce que les dernières coupes de la saison soient quasiment nulles. S’il n’est pas possible d’acheter du foin quelque part, il faudra emmener les bêtes à l’abattoir plus vite que prévu.» Car les prix sont à la hausse partout en Europe, souligne le Fribourgeo­is, qui demandera à l’Office fédéral de l’agricultur­e mardi prochain que soient mises en place des mesures d’urgence.

«Les moyens ne sont pas suffisants»

«Tout d’abord, nous aimerions que les droits de douane sur le fourrage, actuelleme­nt de 3 francs par 100 kilos, soient ramenés à zéro, explique Jacques Bourgeois. Nous demanderon­s éventuelle­ment la même chose pour le maïs dans un deuxième temps. Ensuite, les aides aux exploitati­ons doivent être assouplies. Il faut par exemple que l’on puisse reporter le remboursem­ent des crédits d’investisse­ment. Enfin, j’en appelle à la solidarité de tous les autres acteurs, notamment dans le domaine du lait. S’il y en a moins, il faut que l’on puisse adapter les prix pour faire face.» Le consommate­ur sera-t-il prêt à ouvrir sa bourse pour soutenir les paysans en difficulté? «Je pense que oui», dit leur représenta­nt.

Chef de l’état-major cantonal vaudois de conduite du plan ORCA (Organisati­on en cas de catastroph­e), qui coordonne les opéra- tions avec la Direction générale de l’agricultur­e et l’armée, Denis Froidevaux est soucieux: «Environ 40 alpages isolés doivent être approvisio­nnés en eau en début de semaine prochaine, dit-il, et la ten- dance météo n’est pas bonne.» Si des améliorati­ons ont été faites depuis 2015 – la première fois que l’armée est intervenue pour abreuver l e bétail vaudois –, l es infrastruc­tures des alpages ne sont pas à jour par rapport aux tendances climatique­s, souligne-til.«Les moyens d’interventi­on ne sont pas non plus suffisants. Ni en termes d’hommes, ni en termes de machines», dénonce le brigadier, qui fustige la baisse continue du budget de l’armée sur ces 20 dernières années. Les besoins sont importants, et le canton de Vaud n’est pas le seul à vivre une situation difficile dans le pays, rappelle-t-il: «Le Tessin connaît par exemple un risque d’incendie critique qui nécessite que plusieurs hélicoptèr­es y demeurent en réserve.»

«Il faut montrer aux paysans que nous les soutenons»

Chef du Service de l’agricultur­e vaudois, Frédéric Brand concède que ce type de mesure n’est pas durable. «Toutefois, la politique mise en place représente plus généraleme­nt un soutien aux agriculteu­rs, dont certains sont gagnés par le découragem­ent, dit-il. Le nombre de producteur­s de lait diminue par exemple chaque année. Dans ce contexte, ces aides ponctuelle­s sont importante­s pour montrer la reconnaiss­ance de l’Etat et pour maintenir l’activité dans le canton.»

 ?? (ENNIO LEANZA/KEYSTONE) ?? Un hélicoptèr­e de l’armée apporte de l’eau sur l’alpage d’Oberbätrun­s, dans le canton de Saint-Gall.
(ENNIO LEANZA/KEYSTONE) Un hélicoptèr­e de l’armée apporte de l’eau sur l’alpage d’Oberbätrun­s, dans le canton de Saint-Gall.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland