Le Temps

Le retrait de Swatch Group ébranle MCH

L’onde de choc provoquée par le départ du groupe biennois de Baselworld se propage: l’organisate­ur de la manifestat­ion, MCH Group, se retrouve sans directeur après la démission de René Kamm

- RACHEL RICHTERICH

Il n’aura tout juste pas pu fêter ses vingt ans au sein de l’entreprise. Le directeur général de la société d’événementi­el bâloise MCH Group, René Kamm, rend son tablier. «Cette décision a été prise d’un commun accord avec le président du conseil d’administra­tion » , a- t- il annoncé vendredi devant la presse à Bâle. L’entreprise a justifié ce départ par «une volonté de renouveau, qui devra venir d’un nouveau directeur, dont nous sommes aujourd’hui à la recherche», a souligné de son côté le président du conseil d’administra­tion, Ulrich Viescher. Cette décision est pourtant indissocia­ble du retrait de Swatch Group de la foire horlogère Baselworld, événement phare de MCH.

L’annonce faite dimanche dernier par le patron de son premier exposant avait fait plonger le titre de MCH Group de plus de 13% lundi à la bourse suisse. Pour rappel, Nick Hayek pointait «le manque de créativité et de courage» de l’organisate­ur de foire, qui n’a d’ailleurs, à son avis, «plus de sens». Dans un entretien à la chaîne américaine CNBC il dénonçait en outre «l’arrogance et le snobisme» dont ont fait preuve, selon lui, les dirigeants de MCH, qui n’ont pas tenu compte de l’avis des exposants pour renouveler Baselworld.

Vendredi, René Kamm a fermement rejeté ces reproches et en a profité pour donner sa version des faits. «Contrairem­ent à ce qui a été suggéré, rien ne laissait pressentir une telle décision» de la part de Swatch, a affirmé le démissionn­aire. Le groupe horloger aurait été informé de toutes les décisions prises pour Baselworld, au même titre que les autres marques.

Les joyaux de la discorde

Il rappelle un dîner le 3 juillet au Beau-Rivage de Neuchâtel, à l’occasion du départ de l’ancienne directrice de la manifestat­ion, Sylvie Ritter, lors duquel était présent le dirigeant de Swatch Group. «Celui-ci en a profité pour s’excuser de son absence lors d’une importante réunion d’un comité de Baselworld, qui devait se tenir le lendemain, et à laquelle il ne pouvait absolument pas assister.» A l’issue de cette réunion, «nous avons envoyé une circulaire présentant les grandes lignes de l’édition 2019, que nous avions déjà présentées lors de deux précédente­s assemblées, où il était présent», a poursuivi René Kamm. D’après celui-ci, la colère de Swatch Group pourrait venir du rapatrieme­nt des joailliers de la Halle 2 au sein de la très convoitée Halle 1 de l’exposition. Une hypothèse que le groupe biennois ne commente pas, ajoutant ne plus vouloir s’exprimer sur cette affaire.

Pour René Kamm, le sort se teinte d’ironie. C’est en prenant les commandes de Baselworld qu’il intégrait l’entreprise en 1999, avant de devenir directeur général de MCH Group en 2003. Et c’est ce même événement qui le pousse aujourd’hui vers la sortie. Revenant sur son parcours, puisant dans ses souvenirs, il a rappelé les nombreuses tempêtes affrontées: les attentats du 11 septembre, qui l’avaient contraint à annuler le salon Art Basel de Miami, ou encore la crise financière de 2008, lors de laquelle le secteur du luxe s’était soudain retrouvé avec des budgets à zéro. «Le départ de Swatch ne va pas abattre l’entreprise», glisse celui qui cette fois n’aura pourtant pas résisté à l’ouragan Hayek.

Impossible de savoir dans quelle mesure l’absence de Swatch Group et de ses 18 marques affectera les comptes de la société. Ni combien pèse Baselword dans MCH Group. A titre indicatif, la foire horl ogère représenta­it un dixième du nombre total de visiteurs des foires organisées par MCH Group en régie propre l’an dernier (135 000 sur 1,46 million).

Ulrich Viescher, qui assurera l’intérim conjointem­ent avec les autres membres de l’exécutif du groupe, a affirmé que l’existence de Baselworld «n’était pas

«Contrairem­ent à ce qui a été suggéré, rien ne laissait pressentir une telle décision [de la part de Swatch]» RENÉ KAMM,

DIRECTEUR DÉMISSIONN­AIRE DE MCH GROUP

remise en question » . Pour MCH i l importe désormais de combler le vide laissé par Swatch et d’accélérer la transforma­tion de la manifestat­ion. «Le programme en marge de Baselworld pourrait être étoffé, en y ajoutant une note culturelle», suggère Jannick Dousse, analyste de Credit Suisse, qui suit le titre. Le salon rhénan, qui se tient en mars, devrait aussi s’entendre avec son concurrent genevois, le SIHH (Salon internatio­nal de la haute horlogerie) démarrant en janvier, sur un agenda différent. Ce pour permettre aux visiteurs de se rendre aux deux événements, ajoute-t-elle.

Craintes pour la continuité

Car si les marchés ont accueilli favorablem­ent la démission de René Kamm – le titre a clôturé la séance de vendredi en hausse de 5,66% –, pour Jannick Dousse, elle constitue un signal négatif. «Il a porté la stratégie d’internatio­nalisation du groupe et sa diversific­ation. Notamment dans le domaine du live marketing [campagne commercial­e proposant une expérience au consommate­ur, ndlr]. Tout ceci est aujourd’hui remis en question par son départ», estime l’analyste. Sans oublier que cette démission n’est que la dernière d’une série, après les défections du directeur financier de MCH Group, Christophe Biollaz, et de Sylvie Ritter.

Le président Ulrich Viescher a assuré vouloir maintenir une continuité après le départ de René Kamm. En outre, il a dit compter sur le succès de ses deux nouveaux événements dédiés à l’art, Art Singapour et Masterpiec­e London. Demeure en suspens la question de l’amortissem­ent des surfaces du bâtiment bâlois inauguré en 2013, dont la constructi­on a coûté plus de 430 millions de francs. Des correction­s de valeur sont à l’origine de la perte de 110 millions essuyée par le groupe l’an dernier. Tout dépendra désormais de l’utilisatio­n des surfaces et du succès des exposition­s. ▅

 ?? (GEORGIOS KEFALAS/KEYSTONE) ?? René Kamm a intégré MCH Group en 1999, avant de devenir son directeur général en 2003. Le dirigeant de l’organisate­ur de foires et autres événements a démissionn­é vendredi, quelques jours après l’annonce par Swatch Group de son départ de Baselworld.
(GEORGIOS KEFALAS/KEYSTONE) René Kamm a intégré MCH Group en 1999, avant de devenir son directeur général en 2003. Le dirigeant de l’organisate­ur de foires et autres événements a démissionn­é vendredi, quelques jours après l’annonce par Swatch Group de son départ de Baselworld.

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