Le Temps

Derrière l’écran d’une vie, Meg Ryan déroule sa filmograph­ie à Locarno

CINÉMA L’actrice américaine s’est vu décerner un Leopard Club Award pour l’ensemble de sa carrière. Lors d’une conversati­on publique, elle est revenue sur les moments clés de sa filmograph­ie, dont la fameuse scène de «Quand Harry rencontre Sally» durant l

- STÉPHANE GOBBO, LOCARNO @StephGobbo

La filmograph­ie de Meg Ryan pourrait quasiment se résumer à une seule scène, tant celle-ci est restée dans les mémoires. Dans Quand Harry rencontre Sally (1989), son personnage, soudaineme­nt, décide de mimer un orgasme en plein restaurant. Lors de la conversati­on publique à laquelle elle a pris part au Locarno Festival, l’actrice américaine, 56 ans, est évidemment revenue sur cette séquence qui lui colle à la peau.

Elle s’est d’abord souvenue qu’elle a eu le rôle de Sally «par miracle», après une audition, une de plus. «Je n’avais fait que quelques films, dont Top Gun (1986) et L’aventure intérieure (1987), et j’étais devenue une sorte de profession­nelle des auditions. Dans ce film, c’est Billy Crystal qui avait toutes les répliques drôles. Sally, elle, n’était comique qu’à travers son comporteme­nt, elle n’avait pas de punchline. Dans le script, elle devait simplement parler avec Harry du plaisir féminin. J’ai alors spontanéme­nt proposé de mimer un orgasme. Sur le plateau, Rob Reiner, le réalisateu­r, était finalement aussi nerveux que moi, car sa mère était là. C’est d’ailleurs elle qui dit: «Je vais prendre ce qu’elle a pris!» La première fois que ma fille a vu le film, elle se demandait ce que faisait sa maman…»

L’ami Tom Hanks

Meg Ryan a étudié le journalism­e. Un jour, pour un reportage, on l’envoie prendre part au casting d’un soap-opera. Elle en repartira non seulement avec un article, mais aussi avec un rôle. Le premier jour de tournage, elle saute dans l’inconnu: «Je ne savais pas comment mémoriser un texte, comment bouger, comment interagir avec les autres acteurs.» Puis elle rencontre l’immense George Cukor, qui, à plus de 80 ans, lui confie un petit rôle dans Riches et célèbres (1981), son ultime long métrage. «Durant le tournage, il enlevait son dentier pour crier: «Ne joue pas!» C’est le meilleur conseil qu’on m’ait donné: il faut être, ne pas jouer», résume celle qui avoue adorer Carole Lombard, Irene Dunne et Katharine Hepburn. Et qui a profité de son passage à Locarno, qui rend cette année hommage à Leo McCarey, pour dire son amour des comédies de l’âge d’or, son admiration pour Cukor et McCarey, mais aussi Ernst Lubitsch.

De Tony Scott, le réalisateu­r de Top Gun, elle garde le souvenir d’un homme extrêmemen­t sympathiqu­e. Elle n’avait que deux scènes à jouer et se souvient de ses indication­s sommaires: «Meg, dans cette scène-là, tu es heureuse. Meg, dans cette scène-là, tu es triste.» Elle a aussi tourné sous la direction d’Oliver Stone dans le biopic The Doors (1991): «C’est quelqu’un de sauvage qui aime beaucoup l’improvisat­ion.» La native de Fairfield, dans le Connecticu­t, a également évoqué son compagnonn­age profession­nel avec Tom Hanks – ils ont joué ensemble dans Joe contre le volcan (1990), Nuits blanches à Seattle (1993) et Vous avez un mess@ge (1998), avant qu’elle ne le dirige dans son premier film en tant que réalisatri­ce, Ithaca (2016). «Tom n’est pas quelqu’un de surprenant, il est exactement ce que vous imaginez qu’il est: c’est un homme drôle et intelligen­t, curieux du monde et des autres, qui écoute beaucoup.» Sur le tournage de Joe contre le volcan, il lui a aussi donné un conseil qu’elle n’a pas oublié: «Tu n’as pas à faire juste, tu n’as pas besoin d’avoir peur. Le cinéma, c’est juste un art.»

Première réalisatio­n

On associe volontiers Meg Ryan à la comédie romantique, dont elle fut un emblème dans les années 1990. «Mais sur les 38 films que j’ai faits, seuls une dizaine sont des comédies romantique­s», insiste-t-elle. Et d’évoquer, en guise de contre-exemple, Pour l’amour d’une femme (1994): «J’y tiens le rôle d’une alcoolique. A cette époque-là, mon mari d’alors était en cure de désintoxic­ation. Il y avait quelque chose de thérapeuti­que dans ce film, j’ai pu ressentir de l’empathie pour mon mari.» Elle estime que les films, parfois, influencen­t la vraie vie: «L’amour, tel qu’il est montré au cinéma, définit nos attentes.»

Dans Ithaca, elle a tenu à raconter une histoire de femme. Elle a aussi voulu faire un film à l’ancienne, avec un rythme plus lent. Tournée en vingt et un jours pour la somme quasi ridicule de 2,7 millions de dollars, cette première réalisatio­n épouse le point de vue d’une mère élevant seule ses enfants dans l’Amérique des années 1940. Passer de l’autre côté du miroir a été une révélation. «En regardant à travers la caméra, en parlant avec les technicien­s, on se sent vivante, tous nos sens sont en éveil, on entend les oiseaux différemme­nt. J’ai très envie de le refaire.»

Reste que faire financer un film n’est pas aussi aisé que par le passé, qu’il faut désormais développer des dizaines de projets pour que de temps à autre un producteur morde à l’hameçon. Meg Ryan souligne en même temps la qualité extrême des production­s télévisuel­les, qui ont fait beaucoup pour proposer de beaux rôles de femme, et l’intérêt de pouvoir accéder à tous les films du patrimoine à travers la multiplica­tion des chaînes et plateforme­s. Mais une projection sur un grand écran, dit-elle, n’a pas son pareil. Surtout à Locarno. «Voir un film sur la Piazza Grande, c’est quelque chose qu’on n’oublie jamais.»

«Ne joue pas!» C’est le meilleur conseil qu’on m’ait donné: il faut être, ne pas jouer»

MEG RYAN

 ?? (PIER MARCO TACCA/GETTY IMAGES) ?? Pour le public du festival, Meg Ryan a évoqué les rencontres avec les réalisateu­rs qui ont marqué sa carrière, de George Cukor à Oliver Stone, ainsi que son passage derrière la caméra pour réaliser son premier film, «Ithaca».
(PIER MARCO TACCA/GETTY IMAGES) Pour le public du festival, Meg Ryan a évoqué les rencontres avec les réalisateu­rs qui ont marqué sa carrière, de George Cukor à Oliver Stone, ainsi que son passage derrière la caméra pour réaliser son premier film, «Ithaca».

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