Le Temps

Iran: l’illusoire changement de régime

- STÉPHANE BUSSARD @StephaneBu­ssard

«La folie, disait Einstein, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent.» En imposant de nouvelles sanctions après s’être retirée de l’accord sur le programme nucléaire iranien, l’administra­tion de Donald Trump veut étrangler l’économie de la République islamique et provoquer un changement de régime. Elle est convaincue que les pressions exercées vont forcer l’Iran à accepter de négocier un accord global comprenant le nucléaire, le programme balistique et les activités néfastes déployées par Téhéran au Moyen-Orient.

Or, on l’a vu avec l’Irak ou la Libye, la politique de changement de régime mène au chaos. Le mécontente­ment populaire est considérab­le, mais disparate. Il est encore loin de suffire à mettre en danger le régime, pourtant plus instable, mais dont on connaît depuis la résilience. Les manifestat­ions anti-régime se sont certes multipliée­s ces derniers jours. Avec une inflation galopante, une devise en chute libre et une pénurie de médicament­s, le peuple iranien souffre. Les espoirs nés de l’accord nucléaire étaient à l’aune de l’envie d’ouverture des Iraniens. Mais ils ont été doublement déçus. Téhéran n’a pas accompli l’ouverture que Barack Obama pensait avoir suscitée. Quitte à provoquer une énorme frustratio­n au sein de la population, le pouvoir iranien a investi des sommes astronomiq­ues pour accentuer sa présence en Syrie, l’indéfectib­le allié arabe. Or si Hassan Rohani a été élu deux fois à la présidence, c’est précisémen­t parce qu’on croyait dans sa capacité à décloisonn­er le pays et son économie.

L’échec est en partie celui de Rohani, mais c’est aussi celui du régime tant le président joue essentiell­ement un rôle d’exécutant des volontés du guide suprême. Désormais, les durs du régime se frottent les mains. Donald Trump les a remis en selle. Or ceux qui vont subir les sanctions, ce sont, comme toujours, les simples gens. Ce ne sont pas les Gardiens de la révolution dont les affaires n’ont jamais autant prospéré que sous les sanctions.

Enfin, le front face à Téhéran est éclaté. Les Européens, qui croient toujours dans les vertus de l’accord nucléaire que l’Iran, dixit l’ONU, a pleinement respecté, tentent bien de préserver ce qui peut l’être. Mais la «loi de blocage» qu’ils mettent en vigueur mardi pour protéger les sociétés européenne­s souhaitant investir en Iran aura des effets plus symbolique­s que réels. Si elles ont des intérêts sur le marché américain – beaucoup plus grand –, elles ne prendront aucun risque en Iran. Enfin, Téhéran devrait pouvoir compter sur un allié de taille. Pékin a déjà annoncé qu’il allait continuer à importer du pétrole iranien. Il entend même coopérer étroitemen­t avec Téhéran dans le cadre de son pharaoniqu­e projet d’infrastruc­ture «One Belt, One Road». Or sans l’appui chinois, voire russe, la politique de Trump, encouragée par Israël et l’Arabie saoudite, risque de tomber à plat. A moins d’une guerre dont les répercussi­ons dans la région seraient dévastatri­ces.

La population iranienne sera la principale victime des sanctions

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