Lartigue et les couleurs de la vie
Le Verbier Festival a vécu une édition en or grâce à la pléiade de vedettes qui se sont entraidées et ont fait briller la musique
PHOTOGRAPHIE Le Musée de l’Elysée dévoile un pan méconnu de l’oeuvre de Jacques Henri Lartigue, ses images en couleur.
Un ciel radieux (malgré quelques orages passagers), une billetterie sensiblement en hausse (38000 billets attribués, soit une progression de 16% par rapport à l’été passé), des masterclass et concerts gratuits fréquentés par quelque 25000 personnes: le Verbier Festival se termine en beauté. En tout, ce sont près de 63500 festivaliers qui ont vécu l’édition du 25e anniversaire.
Annulations en cascade
Si le bilan artistique et chiffré est remarquable, le fondateur et directeur, Martin Engstroem, a dû faire face à un nombre record d’annulations. Pendant toute la durée du festival, il s’est démené pour trouver des remplaçants: «C’était sportif, dit-il. On a eu de la malchance avec quelques artistes clés – Janine Jansen, Gautier Capuçon et Martha Argerich –, mais par le fait qu’on avait énormément d’artistes dans la station, on a pu remplacer ces grands noms par d’autres grands noms.»
Qui aurait cru que Sir Simon Rattle accepte de remplacer au pied levé le chef hongrois Ivan Fischer? Son concert du 2 août restera à jamais dans les annales du festival. Après des répétitions (très) exigeantes mais ô combien fascinantes, Rattle et le Verbier Festival Orchestra ont livré une 5e Symphonie de Beethoven du feu de Dieu. Les jeunes musiciens semblaient faire corps avec leur chef dans une ferveur inégalée. Le public n’en croyait pas ses oreilles.
Andras Schiff à la rescousse de Radu Lupu
Le pianiste Andras Schiff – désormais un habitué du festival – a accepté de secourir son collègue et «ami» Radu Lupu in extremis dans le 4e Concerto de Beethoven. Schiff l’apprenait le jour même, aux alentours de 12h15, alors qu’il donnait une masterclass de musique de chambre. Le temps de se remettre l’oeuvre dans les doigts quelques heures l’après-midi, il surmontait l’exploit et faisait vive impression dans ce 4e Concerto (malgré quelques approximations insignifiantes) avec Gabor Takacs-Nagy. Trois jours auparavant, il avait ébloui le public dans le Concerto en fa mineur BWV 1056 de Bach et le 1er Concerto de Beethoven.
Quant à Daniil Trifonov, le jeune pianiste russe ne cesse de gagner en maturité. La beauté de la sonorité, la variété des couleurs, la science des timbres ont fait merveille dans les Variations sur un thème de Chopin de Rachmaninov, les Variations sur «Là ci darem la mano» et la 2e Sonate «Funèbre» de Chopin (superbe!). Daniil Trifonov s’est surpassé dans le 2e Concerto de Prokofiev, âpre, sombre, métaphysique, d’une virtuosité ahurissante, prouvant une fois de plus qu’il est le plus grand pianiste russe de sa génération (voire de son époque). Gianandrea Noseda et le Verbier Festival Orchestra l’ont accompagné avec force et engagement. Le lendemain, pour le concert de clôture, Yuja Wang brillait dans les 5e et 3e Concertos de Prokofiev, au jeu vif, alerte, tout en grâce.
Plus de billets vendus
La soirée de gala des 25 ans a réuni une pléiade de vedettes du classique pour un événement festif, beaucoup plus réussi que la soirée du 20e anniversaire, trop sérieuse. «On a réussi à hisser la réputation du Verbier Festival pour ce 25e anniversaire, dit Martin Engstroem. On a vendu nettement plus de billets. C’est bon signe, mais le travail n’est jamais acquis. Il faut essayer de faire encore mieux l’année prochaine.» Or, comme le faisait remarquer une festivalière, «It’s hard to beat» («c’est difficile à battre»), et on voit mal comment Martin Engstroem va pouvoir composer une affiche aussi prestigieuse l’été prochain! ▅