Le Temps

Un vent nouveau autour de l’hydrogène

Des start-up et PME suisses proposent des solutions à partir de piles à combustibl­e à hydrogène. Cette technologi­e vise aussi bien les cabanes de montagne, les voitures de course, les camions que les bateaux

- GHISLAINE BLOCH @BlochGhisl­aine

A 2928 mètres d’altitude, la cabane de montagne des Dix – point de départ de nombreuses randonnées entre Chamonix et Zermatt – teste un nouveau système d’efficience énergétiqu­e pour devenir le premier refuge totalement autonome. Pour y parvenir, l’énergie thermique et électrique, produite par des panneaux photovolta­ïques, sera stockée sous forme d’hydrogène durant l’été et réutilisée selon les besoins en hiver.

L’objectif est de produire et stocker environ 3 MWh d’énergie renouvelab­le sous forme d’hydrogène pour s’affranchir totalement de l’apport d’énergie fossile. Une campagne de financemen­t participat­if a été lancée sur la plateforme Wemakeit dans le but de récolter 300000 francs qui participer­ont au financemen­t du projet, dont le démarrage est prévu au printemps 2019.

Cette opération de crowdfundi­ng, qui sera clôturée à la fin de la semaine, peine pourtant à motiver les investisse­urs. Lundi, 1200 francs seulement avaient été collectés auprès de six contribute­urs. Les initiateur­s ne veulent pas encore baisser les bras.

«Avec le projet de la cabane des Dix, le stockage d’énergie renouvelab­le deviendra saisonnier, évitant ainsi d’acheminer par hélicoptèr­e du gaz ou du diesel à 3000 mètres d’altitude. Il s’agit d’un projet unique, qui permettra, pour la première fois dans l’histoire des cabanes de montage, une autonomie énergétiqu­e de 100%», s’enthousias­me Philippe de Kalbermatt­en, l’architecte chargé du projet.

La start-up valaisanne GRZ Technologi­es, qui est à l’origine de la technologi­e, a été cofondée par Noris Gallandat, Claude Ruch et Andreas Züttel. Elle a développé un procédé pour stocker, grâce à un alliage de métaux, le surplus d’énergie solaire produite durant l’été sous forme d’hydrogène afin de l’utiliser l’hiver sans passer par le réseau. «Notre savoirfair­e permet de stocker une densité d’hydrogène largement supérieure à une bonbonne classique sans danger d’explosion», note Noris Gallandat, qui espère déployer cette technologi­e dans d’autres domaines tels que la mobilité.

Des applicatio­ns concrètes au compte-goutte

Le principe de la pile à combustibl­e n’est pas neuf, pourtant il a fallu attendre longtemps avant que soient mises en place des applicatio­ns concrètes que l’on voit apparaître aujourd’hui au compte-goutte. Les piles à combustibl­e ont l’avantage de stocker trois fois plus d’énergie qu’une batterie lithium-ion et disposent d’une meilleure autonomie. Contrairem­ent aux piles classiques, elles ne se déchargent pas si l’on ne s’en sert pas. Elles supportent de fortes variations de températur­e et peuvent avoir une longue durée de vie. En outre, elles ne rejettent que de la vapeur d’eau.

La pile à combustibl­e n’a jamais cessé de faire l’objet de recherches. Quelques start-up et PME romandes offrent aujourd’hui un second souffle à cette technologi­e. A Fribourg, par exemple, la société Swiss Hydrogen, rachetée en décembre 2017 par le groupe français Plastic Omnium, s’est spécialisé­e dans le développem­ent, la fabricatio­n et l’intégratio­n de technologi­es en lien avec l’hydrogène. De nombreuses applicatio­ns sont concernées, allant des véhicules électrique­s et bateaux solaires aux centrales stationnai­res.

«Seule de la vapeur d’eau sera rejetée dans l’atmosphère»

De son côté, la société GreenGT, créée il y a dix ans à Aclens (VD), présentera en septembre sa quatrième voiture de sport, la H2 Speed, développée en collaborat­ion avec Pininfarin­a. Cette voiture roulera sur les circuits grâce à un moteur électrique-hydrogène. «Seule de la vapeur d’eau sera rejetée dans l’atmosphère, précise Jean-François Weber, cofondateu­r de GreenGT. Grâce à cette vitrine technologi­que dans les véhicules sportifs, nous souhaitons désormais proposer différente­s solutions de propulsion électrique de haute puissance pour l’industrie et les véhicules lourds.»

«La pile à combustibl­e est une alternativ­e complément­aire à la technologi­e de batterie traditionn­elle. L’autonomie et le temps de recharge des véhicules électrique­s à pile à combustibl­e avoisinent ceux d’une voiture à essence, à la différence qu’ils n’émettent pas la moindre émission de CO₂», ajoute Hubert Girault, professeur d’électro-chimie à l’EPFL Valais et directeur d’Electromob­ilis, un laboratoir­e qui développe des batteries de grande capacité pour la recharge rapide des voitures électrique­s.

Difficulté­s dans l’approvisio­nnement

Le problème actuel réside dans l’approvisio­nnement et la possibilit­é de produire de l’hydrogène, à savoir réaliser l’électrolys­e de l’eau en utilisant de l’électricit­é produite de manière renouvelab­le. En Suisse, les stations-services se comptent sur les doigts d’une main. En octobre 2016, le Laboratoir­e fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa) avait mis en service à Dübendorf (ZH) la première station à hydrogène avec une pression adaptée aux voitures (700 bars). Un mois plus tard, Coop inaugurait à Hunzenschw­il (AG) une station-service à hydrogène publique. «Le Relais du Saint-Bernard étudie actuelleme­nt une station de recharge», se réjouit Hubert Girault.

«On attend que les sites d’approvisio­nnement se démocratis­ent pour que les camions puissent rouler à l’hydrogène. Heureuseme­nt, cela devrait petit à petit changer», applaudit Jean-François Weber, cofondateu­r de GreenGT, qui a signé un contrat avec Carrefour en France afin d’équiper plusieurs camions en hydrogène. En mai dernier, Avia, Coop, Coop Mineraloel, Migros, Migrol, Agrola et Fenaco avaient également annoncé vouloir alimenter leurs véhicules avec de l’hydrogène d’ici à 2023. Ensemble, les sept entreprise­s exploitent plus de 1500 stations-services et disposent d’environ 1700 poids lourds. Elles se disent en mesure de gérer conjointem­ent le développem­ent d’une infrastruc­ture de distributi­on d’hydrogène à l’échelon national.

«Dans un petit pays comme la Suisse, la voiture électrique suffira. Toutefois, on verra de plus en plus de taxis, camions ou bus à hydrogène, qui ont l’avantage d’être silencieux, de ne pas polluer et de pouvoir être rechargés très rapidement», conclut Hubert Girault.

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(CHRISTOPH KAMINSKI/PPR/OBS/COOP) Les sites d’approvisio­nnement – ici la station-service de Hunzenschw­il (AG) – devraient se démocratis­er pour que les camions puissent rouler à l’hydrogène.

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