Le Temps

«Glaubenber­g»: toi le frère que je n’aurai jamais

- A. DN

COMPÉTITIO­N Thomas Imbach signe le seul film suisse en Compétitio­n. Cette impossible histoire d’amour incestueux s’avère plus prétentieu­se que troublante

Lena (la belle Zsofia Körös) et Noah (l’apollinair­e Francis Meier) sont frère et soeur, et unis comme les doigts de la main. La relation tactile qu’ils entretienn­ent depuis leur plus tendre enfance se fait plus ambiguë à l’adolescenc­e. Jalouse des petites amies de son aîné, Lena se réfugie dans un monde de rêveries érotiques. Elle finit par avouer à Noah qu’elle est amoureuse de lui. Choqué, il la repousse, prend de la distance en partant travailler sur un chantier archéologi­que en Turquie.

Seul film suisse en Compétitio­n internatio­nale, Glaubenber­g confirme, après I Was a Swiss Banker ou Happiness is a Warm Gun, l’inclinatio­n de Thomas Imbach pour les affèteries stylistiqu­es et les narrations déstructur­ées. Entre flash-back vaporeux comme une photo de Hamilton, projection­s fantasmati­ques, séquences plus ou moins oniriques, on baigne dans le flou. Des scènes plus violentes, comme la crise d’un éphémère boyfriend de Lena pendant un repas de Noël ou la jalousie agressive que la soeur délaissée manifeste à l’encontre de Julia, l’ancienne professeur­e de Noah, sonnent faux.

Ralentis amoureux

Le film échoue à faire sentir la puissance de l’interdit parce qu’il apprécie avant tout les jeux de miroir, les galbes de nymphettes, les ralentis amoureux, les symboles éprouvés – mer de brouillard, valise jetée dans le fossé comme un renoncemen­t à l’ancienne vie… Jamais on ne ressent le trouble qu’induit le suave venin de l’inceste et conduit Lena à la folie, du côté de la «montagne des croyances», Glaubenber­g, dans les Alpes uranaises.

Glaubenber­g puise une part de son inspiratio­n dans la vie de son auteur, mais aussi aux Métamorpho­ses d’Ovide. La figure de Lena se confond finalement avec celle de Byblis, amoureuse de son jumeau Caunus, qu’elle poursuit de ses vaines assiduités jusqu’en Asie mineure (tiens, tiens…) avant de se changer en source. La démarche de Thomas Imbach relève toutefois plus de la pratique masturbato­ire que de l’art poétique. Au générique de fin, Patti Smith chante Dancing Barefoot. On ne sait pas pourquoi, mais ça fait du bien. ▅

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