Le Temps

Point barre

- Par Géraldine Schönenber­g

Le correcteur de presse pratique un exercice de haute voltige. S’emparant d’un texte journalist­ique, il doit suivre le fil rouge de la pensée de son auteur qui, tout à son élan créatif, a semé au passage quelques pièges non volontaire­s: une imprécisio­n, une répétition, le surgisseme­nt d’un pléonasme ou d’une anacoluthe (cette rupture syntaxique qui fait que le sujet d’une phrase se perd en route)…

D’un fil rouge, le correcteur s’engage alors sur une corde raide, pouvant à tout moment basculer soit dans la négligence coupable en laissant une faute grossière, soit dans le crime de lèse-majesté en dénaturant la manière de s’exprimer, la «patte» du rédacteur. Car les bizarrerie­s grammatica­les citées plus haut résultent parfois d’une appropriat­ion très personnell­e de la langue française, qui s’appelle «le style».

Style auquel participe la ponctuatio­n. Le maniement du point paraît simple: pour clore une phrase, on n’a pas trouvé mieux. Quant à la fonction du point-virgule, contesté et mal-aimé, elle reste louable: séparer deux propositio­ns qui ont un lien de sens. L’utilisatio­n de la virgule est beaucoup plus aléatoire. Certains en éparpillen­t à tout va, sans discerneme­nt, d’autres la dédaignent, livrant une prose sans respiratio­n, oppressant­e.

C’est ainsi qu’un jour où nous avions décidé de donner un rythme à une énumératio­n entrecoupé­e de virgules en remplaçant la dernière de la liste par «et», nous avons reçu un message outré du rédacteur, dont voici un extrait: «… cette correction, qui pourrait paraître a priori mineure, simplifie et porte atteinte au sens de ma phrase et de ma pensée». Voilà comme il est facile pour un traqueur de fautes de perdre l’équilibre. Mais dans tous les cas, c’est lui, malheureus­ement pour l’auteur sourcilleu­x, qui a le dernier mot.

Point barre.

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