Le Temps

Le français, une identité en (r)évolution

- RICHARD WERLY @LTwerly

Le français forge une identité. Forte. Complexe. Moderne. En mutation. Cette évidence s’est imposée sans peine au fil des reportages que nous vous proposons cette semaine, effectués au Québec, en Belgique, en Nouvelle-Calédonie et en Roumanie, sur les pistes d’une langue en (r) évolution. Le nier, au nom de l’uniformisa­tion économique et bureaucrat­ique trop souvent brandie à Bruxelles, à Zurich ou à Ottawa, ne fait qu’engendrer malaise, frustratio­ns voire rébellion chez les francophon­es, sommés à tort d’abdiquer leur différence.

La place de la France dans le monde, son attractivi­té et son image jouent évidemment un grand rôle en arrièrepla­n. Une France enviée, entrée de plain-pied dans la modernité et respectueu­se des identités, est le meilleur allié d’un français dynamique, capable de cohabiter sans crainte avec l’anglais ou d’autres langues. Le Temps est ainsi allé à la rencontre des Kanaks francophon­es qui, en Nouvelle-Calédonie, espèrent remporter le 4 novembre le référendum sur l’indépendan­ce du territoire, tout en affirmant leur fidélité à la langue de Molière.

En matière de francophon­ie, l’attitude de Paris n’en demeure pas moins ambiguë. Certes, Emmanuel Macron a promis d’installer d’ici à 2022 à Villers-Cotterêt, en Picardie – là ou François Ier publia en 1539 l’ordonnance imposant le français pour les actes de droit –, un «haut lieu de la francophon­ie», à la fois centre de conférence­s et maison d’accueil pour écrivains. Mais simultaném­ent, la chaîne de télévision francophon­e TV5 Monde (dont la RTS est actionnair­e), diffusée dans plus de 200 pays, subira des coupes budgétaire­s à partir de 2019. Or TV5 Monde incarne la diversité, carte ignorée par France 24, la chaîne internatio­nale d’informatio­n continue. La Suisse, la Belgique ou le Canada, partenaire­s de TV5, feraient donc bien de s’en préoccuper lors du prochain Sommet de la francophon­ie d’Erevan (Arménie) à la mi-octobre.

Les (r) évolutions du français sont aussi au coeur de la mission remplie par l’Organisati­on internatio­nale de la francophon­ie (OIF), qui élira à Erevan son prochain secrétaire général. La sortante, la Québécoise d’origine haïtienne Michaëlle Jean, a misé au long de son mandat sur la jeunesse et le numérique. Bien vu. Mais l’Afrique gronde. Et la France, premier contribute­ur financier de l’OIF, joue là aussi l’ambiguïté.

Logiquemen­t favorable au retour du continent noir au premier plan, Paris soutient la candidatur­e de la ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwab­o, issue d’un pouvoir résolument anglophone et autoritair­e. Lequel muselle la presse et menace ses journalist­es. Un jeu dangereux: le pire scénario pour le français et la francophon­ie serait en effet que son indispensa­ble (r) évolution se fasse au détriment de la liberté d’expression.

En matière de francophon­ie, l’attitude de Paris demeure ambiguë

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland