Le français, une identité en (r)évolution
Le français forge une identité. Forte. Complexe. Moderne. En mutation. Cette évidence s’est imposée sans peine au fil des reportages que nous vous proposons cette semaine, effectués au Québec, en Belgique, en Nouvelle-Calédonie et en Roumanie, sur les pistes d’une langue en (r) évolution. Le nier, au nom de l’uniformisation économique et bureaucratique trop souvent brandie à Bruxelles, à Zurich ou à Ottawa, ne fait qu’engendrer malaise, frustrations voire rébellion chez les francophones, sommés à tort d’abdiquer leur différence.
La place de la France dans le monde, son attractivité et son image jouent évidemment un grand rôle en arrièreplan. Une France enviée, entrée de plain-pied dans la modernité et respectueuse des identités, est le meilleur allié d’un français dynamique, capable de cohabiter sans crainte avec l’anglais ou d’autres langues. Le Temps est ainsi allé à la rencontre des Kanaks francophones qui, en Nouvelle-Calédonie, espèrent remporter le 4 novembre le référendum sur l’indépendance du territoire, tout en affirmant leur fidélité à la langue de Molière.
En matière de francophonie, l’attitude de Paris n’en demeure pas moins ambiguë. Certes, Emmanuel Macron a promis d’installer d’ici à 2022 à Villers-Cotterêt, en Picardie – là ou François Ier publia en 1539 l’ordonnance imposant le français pour les actes de droit –, un «haut lieu de la francophonie», à la fois centre de conférences et maison d’accueil pour écrivains. Mais simultanément, la chaîne de télévision francophone TV5 Monde (dont la RTS est actionnaire), diffusée dans plus de 200 pays, subira des coupes budgétaires à partir de 2019. Or TV5 Monde incarne la diversité, carte ignorée par France 24, la chaîne internationale d’information continue. La Suisse, la Belgique ou le Canada, partenaires de TV5, feraient donc bien de s’en préoccuper lors du prochain Sommet de la francophonie d’Erevan (Arménie) à la mi-octobre.
Les (r) évolutions du français sont aussi au coeur de la mission remplie par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), qui élira à Erevan son prochain secrétaire général. La sortante, la Québécoise d’origine haïtienne Michaëlle Jean, a misé au long de son mandat sur la jeunesse et le numérique. Bien vu. Mais l’Afrique gronde. Et la France, premier contributeur financier de l’OIF, joue là aussi l’ambiguïté.
Logiquement favorable au retour du continent noir au premier plan, Paris soutient la candidature de la ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo, issue d’un pouvoir résolument anglophone et autoritaire. Lequel muselle la presse et menace ses journalistes. Un jeu dangereux: le pire scénario pour le français et la francophonie serait en effet que son indispensable (r) évolution se fasse au détriment de la liberté d’expression.
En matière de francophonie, l’attitude de Paris demeure ambiguë