Manguin, couleurs fauves
La Fondation de l’Hermitage accueille, jusqu’à fin octobre, une centaine de peintures, aquarelles et dessins du peintre qui retracent les premières années de son oeuvre, mettant ainsi l’accent sur son lien symbiotique avec le fauvisme
Henri Manguin: son nom n’est pas aussi connu que ceux de ses amis Henri Matisse et Albert Marquet. Pourtant, tous trois font partie du même groupe d’artistes indépendants qui a offert à la peinture un nouvel élan au début du XXe siècle, avec comme fer de lance l’étude de la couleur. L’exposition proposée par la Fondation de l’Hermitage permet de rencontrer le peintre français et l’homme dans le même temps.
Embrasement chromatique
Au fil de la visite du 1er étage, on plonge dans la chronologie de ses créations. L’exposition s’ouvre sur une section dédiée à la formation de l’artiste, élève de l’atelier de Gustave Moreau, qui se distingue très tôt par l’omniprésence de la couleur dans ses compositions. Le reste de la visite se concentre sur la composante majeure de son oeuvre: le fauvisme.
D’abord, le public du début du siècle reste confondu devant l’explosion constituée par les premières expositions fauvistes. Nombreux sont ensuite les critiques qui se rallient à cette «épreuve du feu», selon le mot d’André Derain, enchantés par l’embrasement chromatique qui fait la caractéristique des tableaux.
On ne peut que s’émerveiller, comme le peintre avant nous, de la puissance visuelle des paysages du sud de la France. Manguin s’exprime ainsi avec brio à travers la palette ouverte par la nature du Midi, qui se retrouve dans les représentations de Saint-Tropez ou de Cassis.
D’étudiant en beaux-arts, Manguin est devenu le défenseur de la première révolution artistique du XXe siècle. L’artiste est néanmoins resté attaché à ses premières amours, peignant avec la même flamme inchangée d’éclatantes harmonies, qu’il alliera à la recherche d’un équilibre nouveau de la composition.
Son attrait pour les jeux de lumière et pour les beaux objets se retrouve dans les lignes de ses natures mortes aux formes simples et rigoureuses. Le deuxième étage de l’Hermitage leur est consacré. Le volume, la matière, la richesse rappellent la formule «luxe, calme et volupté», doublement rendue célèbre par Baudelaire puis Matisse. L’expressivité est accrue dans les ruptures, souples ou brutales, quand il laisse glisser son trait, jusqu’à l’irrégularité, dans ses aquarelles, auxquelles une place particulière est réservée.
Suisse et fin
Manguin à Lausanne, la rencontre a du sens. L’histoire d’amitié entre le peintre et la Suisse commence dès 1906 lorsqu’il est exposé à Zurich et s’exprime également dans l’affection et l’admiration que lui portait le couple de mécènes Hahnloser, propriétaires de la villa Flora à Winterthour, devenue musée d’art. Après avoir fait rugir le musée de Giverny l’année passée, Henri Manguin vient se nicher à Lausanne, comme il l’avait fait pour s’éloigner de la violence de la Première Guerre mondiale.
L’exposition nous dévoile son hédonisme qui se manifeste avec douceur dans ses représentations de sa vie de famille. Le visiteur se laisse emporter par la voix de son petit-fils interviewé par la journaliste culturelle Florence Grivel et par le parcours dans la fondation où les oeuvres se fondent dans les murs.
Jeanne, sa muse et épouse
On apprivoise le personnage, il est ouvert et fidèle. Sa femme, Jeanne, sera sa muse tout au long de sa vie, exposée et sublimée par la sensuelle sobriété de ses nus. Ses huiles, parfois exubérantes, se définissent par une facture franche et éclatante. Les tons intenses et les contrastes puissants ont fait d’Henri Manguin une personnalité incontournable du fauvisme. On se demanderait presque sur la fin s’il s’agit d’une exposition sur l’homme ou l’artiste, qui, finalement, dans son cas, ne sont pas aisément dissociables.
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