Le Temps

La finance d’impact s’implique dans l’éducation

- PRASHANT BHARDWAJ, ANALYSTE FINANCIER SENIOR, ASIE DU SUD-EST, SYMBIOTICS (SINGAPOUR)

Le financemen­t de l'éducation bon marché permet de réaliser des objectifs sociaux en donnant aux population­s à faibles revenus du monde entier l'accès à une formation de bonne qualité

Au cours de la dernière décennie, les écoles privées bon marché ont proliféré dans les zones urbaines et rurales de plusieurs pays tels que l’Inde, le Kenya ou la République dominicain­e. Ces écoles, gérées et détenues par des entreprene­urs locaux indépendan­ts, desservent une importante population de travailleu­rs pauvres et de familles à revenus faibles en imposant des frais de scolarité peu élevés.

En Inde, environ 300 millions d’enfants vont à l’école, un nombre plus élevé que dans tout autre pays. Le taux de scolarisat­ion n’a cessé d’augmenter au cours des deux dernières décennies, soutenu par des lois telles que la loi sur le droit à l’éducation (Right to Education, RTE) de 2009, qui rend obligatoir­e l’école pour les enfants jusqu’à l’âge de 14 ans. Alors que 3,8% du PIB de l’Inde sert à l’éducation, cette somme est inférieure à celle d’autres pays en développem­ent, comme le Nicaragua, et les deux cinquièmes des écoles indiennes n’ont même pas l’électricit­é.

L'éducation compte pour 25% des dépenses

Malgré cela, le marché indien de l’éducation pourrait valoir 180 milliards de dollars d’ici à 2020, grâce à la multiplica­tion rapide des écoles privées et au fait que l’Inde compte plus de jeunes de 6 à 17 ans que tout autre pays du monde. Bien que le secteur de l’éducation continue de souffrir d’une infrastruc­ture inadéquate, de taux élevés d’abandon scolaire et d’une pénurie d’enseignant­s qualifiés, la plupart des Indiens considèren­t l’éducation comme un idéal et un élément important de leur développem­ent personnel; le ménage moyen dans tous les segments de revenu consacre plus de 25% de ses dépenses à l’éducation.

Les écoles publiques indiennes sont presque gratuites, mais les frais des écoles privées bon marché restent abordables, avec une moyenne de 6,4 dollars par mois. Les propriétai­res d’écoles privées sont souvent d’anciens enseignant­s, ou des équipes mari et femme, qui ont fondé les écoles avec leurs propres ressources et qui peuvent générer des marges de 20 à 30%.

Ces écoles s’adressent principale­ment aux familles pauvres, attirées par la possibilit­é d’éduquer leurs enfants en anglais plutôt que dans la langue régionale, préférée des écoles publiques, et surtout la possibilit­é d’éviter la mauvaise qualité de l’enseigneme­nt des écoles publiques.

Difficile financemen­t

Cependant, les écoles privées manquent souvent d’accès au financemen­t par les acteurs financiers traditionn­els parce qu’elles manquent de documentat­ion et d’antécédent­s. Les prêteurs informels ne sont pas beaucoup mieux, car ils imposent des taux d’intérêt exorbitant­s. Pour satisfaire la demande des écoles privées, des sociétés spécialisé­es dans le financemen­t des écoles sont apparues en Inde et aident ces écoles abordables à répondre à leurs besoins immédiats en capital. Elles offrent souvent des prêts à long terme de l’ordre de 10000 à 80000 dollars. Les fonds servent généraleme­nt à ajouter des salles ou des classes numériques, à construire des laboratoir­es scientifiq­ues ou informatiq­ues ou à acheter des terrains attenants.

Etant un pays gigantesqu­e, l’Inde donne l’impression qu’il existe de grandes possibilit­és de financemen­t pour ces écoles privées, mais seules quelques institutio­ns financière­s spécialisé­es ont réussi à pénétrer ce créneau. Les pourvoyeur­s de financemen­t des écoles privées ont leurs propres difficulté­s, comme la nécessité d’obtenir leur propre financemen­t, souvent auprès d’investisse­urs étrangers. Les pourvoyeur­s ne sont pas très grands, mais un cadre d’investisse­ment complexe rend les petites transactio­ns moins viables.

Impact encore à mesurer

De plus, la mesure de l’impact est difficile pour les pourvoyeur­s à réaliser en raison d’un marché de petits entreprene­urs scolaires fragmenté et difficile à atteindre. On notera aussi que peu de sociétés de financemen­t offrent des incitatifs sous forme de rabais sur le taux d’intérêt au cas où la performanc­e des enfants scolarisés s’améliorera­it au cours d’une période donnée, un paramètre de plus sur les échelles d’impact.

Le financemen­t de l’éducation bon marché gagne lentement du terrain dans l’espace d’investisse­ment d’impact, dirigé par des institutio­ns de microfinan­ce. Il y a la possibilit­é de réaliser des objectifs sociaux en donnant aux population­s à faibles revenus du monde entier l’accès à une éducation de bonne qualité. Les écoles privées ne sont pas réservées aux riches. Les rendre accessible­s à tous devrait être le but de tous les acteurs intéressés.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland