Le Temps

Pendant que la livre s’effondre, le franc suisse s’envole

Les mesures annoncées lundi par la banque centrale turque s’avèrent insuffisan­tes. La peur de la contagion a gagné les marchés

- RAM ETWAREEA @rametwaree­a

Les marchés n’ont pas été rassurés par les annonces faites lundi par la banque centrale de Turquie en vue de stopper l’hémorragie de la livre. Dès lors, face au risque de contagion vers l’Europe, principal partenaire économique, l’euro a dévissé par rapport aux principale­s devises. Du coup, l’impact sur le franc suisse ne s’est pas fait attendre. Celui-ci a retrouvé son rôle de monnaie refuge, s’échangeant lundi à 1,13 franc contre un euro, alors qu’il valait encore 1,14 franc vendredi et 1,17 franc il y a pile un mois.

Un effet domino sur les pays émergents

Pour Fabrizio Quirighett­i, chef économiste de la banque Syz, à Genève, la fluctuatio­n de la monnaie suisse n’est pas inquiétant­e à ce stade. «Il est préférable d’avoir un franc fort dans une croissance mondiale forte qu’un franc faible dans une croissance molle», affirme-t-il.

La débâcle de la livre turque a aussi provoqué un effet domino sur les monnaies des pays émergents. «Ceux qui, comme la Turquie, sont dépendants des capitaux étrangers, sont les plus touchés, poursuit Fabrizio Quirighett­i. Les investisse­ments étrangers prennent la porte de sortie à la moindre fragilité.» Selon lui, ils s’en vont aussi là où il y a des perspectiv­es de taux d’intérêt plus rémunérate­urs. Aux Etats-Unis, par exemple, où la Réserve fédérale envisage plusieurs hausses en 2018.» Rand sud-africain, peso argentin, real brésilien, rouble russe plongent depuis plusieurs semaines. La dégringola­de a toutefois été exacerbée depuis la fin de la semaine passée.

«La banque centrale turque a fait un pas dans la bonne direction lundi, mais celui-ci est largement insuffisan­t», commente Aneeka Gupta, stratège actions chez WisdomTree, à Londres. Les marchés s’attendaien­t à un véritable plan d’actions.» Selon la spécialist­e, une hausse du taux d’intérêt ainsi qu’un plan de redresseme­nt économique avec une interventi­on du Fonds monétaire internatio­nal (FMI) s’imposent. Le pays a en effet favorisé la croissance à court terme par l’explosion du crédit au détriment d’une stabilité économique à long terme. «Globalemen­t, les investisse­urs sont restés sous-pondérés à l’égard de la Turquie par rapport aux autres marchés émergents», note Aneeka Gupta.

Les mesures prises jugées bien trop timides

Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management, à Paris, affirme que la banque centrale turque aurait dû oser davantage que les deux mesures annoncées lundi matin pour rassurer les marchés – limiter la spéculatio­n sur la livre et donner des moyens aux banques nationales pour financer l’économie. «Elle a été timide et, surtout, elle n’a pas changé d’orientatio­n de façon radicale», fait-il remarquer.

Selon l’économiste d’Ostrum, la thérapie de choc aurait pu être l’imposition des contrôles de mouvements de capitaux. «Une telle mesure temporaire aurait limité la volatilité, le temps de stabiliser l’économie, explique-t-il. Il y a quelques années, une telle mesure était critiquée, mais, désormais, même le FMI l’admet dans certaines situations. Les marchés ont besoin de messages forts et clairs.»

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