Le Temps

La Suède et le mystère des voitures brûlées

- FRÉDÉRIC FAUX, STOCKHOLM

La classe politique s’interroge sur les motivation­s des incendiair­es. Les feux ont été allumés de façon coordonnée, à quelques semaines des élections

C'est le genre d'images que les Suédois n'ont pas l'habitude de voir sur leur télévision. Dans la nuit de lundi à mardi, plus de cent véhicules sont partis en fumée sur la côte ouest du pays, autour de la ville de Göteborg et dans des bourgs très tranquille­s comme Trollhätta­n, Lysekil ou Falkenberg. «Nous étions mobilisés à environ vingt endroits différents à Göteborg», a expliqué à l'agence de presse locale Johan Eklund, le coordinate­ur des services de secours.

Pour Ulla Brehm, porte-parole de la police, «ce genre de feux arrive régulièrem­ent la semaine avant la rentrée des classes», qui aura lieu à Göteborg le 20 août, «mais ce qui s'est passé est beaucoup plus sérieux que les années précédente­s». De fait, des groupes de dizaines de jeunes, visages masqués, vêtus de noir, ont été vus allumant des feux de palettes et de pneus, jetant des pierres aux policiers, et brisant les vitres de voitures pour les asperger d'un liquide inflammabl­e. Deux suspects ont été arrêtés mardi aprèsmidi.

Incendies coordonnés

La police enquête toujours sur les auteurs présumés et les mobiles de ces incendies, mais les premiers indices laissent penser qu'ils auraient été coordonnés sur les réseaux sociaux. Une attaque en règle, donc, dont les politiques se sont aussitôt emparés. L'image de la Suède, ces derniers mois, a déjà été écornée par une série de règlements de comptes, qui ont fait 40 morts en 2017, et d'attaques de commissari­ats, reliées au crime organisé. La droite et l'extrême droite accusent régulièrem­ent le gouverneme­nt social-démocrate de laxisme, et l'insécurité, pour la première fois, constitue un thème central des élections générales qui se tiendront le 9 septembre.

«Cela a l'air coordonné, presque comme une opération militaire… Ça m'a vraiment énervé», a réagi le premier ministre, Stefan Löfven, avant de s'adresser directemen­t aux casseurs: «Qu'est-ce que vous êtes en train de faire?» Son principal opposant, le leader des Modérés (centre droit), Ulf Kristersso­n, a pour sa part dénoncé sur Facebook les «scènes effrayante­s» qui se sont déroulées à Göteborg. «Ce ne sont pas des manifestat­ions, mais du sabotage, a-t-il poursuivi. La Suède ne doit pas tolérer cela plus longtemps. Cela doit s'arrêter.» Pour Roger Haddad, porte-parole des Libéraux, «les parents doivent aussi être impliqués, ils doivent se réveiller et être informés de ce que font leurs enfants».

La sécurité en question

A quelques semaines des élections, ces incendies – qui rappellent à beaucoup de Suédois les émeutes qui avaient enflammé pendant toute une semaine les quartiers d'immigrés de Stockholm en mai 2013 – vont raviver le débat sur la sécurité, pour le plus grand plaisir des Démocrates de Suède. Cette formation d'extrême droite, qui fait ouvertemen­t le lien entre l'insécurité et la politique généreuse de la Suède envers les migrants, a déjà obtenu près de 13% des voix lors des dernières élections. Au lendemain du 9 septembre, selon les sondages, elle pourrait devenir le deuxième parti du pays.

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