Pfister-Sommaruga, des cultures irréconciliables
Le président du PDC s’est excusé auprès du conseiller national socialiste après ses attaques. A l’origine de cette agression verbale sur Twitter, une réaction plus épidermique que politique
La Berne fédérale est peu coutumière des épithètes excessives. Aussi, lorsque le président du PDC, Gerhard Pfister, a lancé dimanche des tweets rageurs à l'adresse du conseiller national PS Carlo Sommaruga, la classe politique s'est émue. Le Zougois n'y est pas allé de main morte, traitant le Genevois de «macho de gauche», «d'hypocrite», alors que ce dernier soutenait les victimes des récents actes de violence à Genève, et «d'antisémite».
«Sommaruga est le digne successeur du clown politique Jean Ziegler, a-t-il écrit. Genève est punie par les politiciens qui vénèrent les dictateurs et les machos de gauche.» Voilà bien résumé le fossé culturel abyssal entre une Suisse centrale conservatrice style maquette Märklin et une Genève bouillonnante de marxisme-léninisme, selon les lunettes qu'on chausse. Dans la soirée cependant, Gerhard Pfister présentait ses excuses. S'il continuera à critiquer, il ne visera plus la personne, promettait-il. Se montrant bon prince, le socialiste acceptait les excuses et se déclarait prêt à discuter.
Qu'est-ce qui a bien pu déclencher pareille salve d'amabilités? A entendre le président du PDC, on a l'impression d'un débordement à la suite d'une accumulation de divergences idéologiques profondes: «Carlo Sommaruga est contradictoire quant aux diverses manifestations de violences. Quand elle vient de Fidel Castro, elle est acceptable, quand elle vient de Benyamin Netanyahou, elle ne l'est pas. Mais j'aurais dû utiliser un autre ton.»
«Ce n'est pas parce qu'on critique Netanyahou qu'on est antisémite!» rétorque le conseiller national socialiste Manuel Tornare. De fait, les positions très pro-palestiniennes de Carlo Sommaruga agacent la droite au sein de la Commission de politique étrangère du parlement. C'est aussi l'un des politiciens les plus à gauche sous la Coupole. «Clivant, il peut inspirer les excès de langage de ses adversaires», complète l'élu PLR Christian Lüscher. D'autant plus que les politiciens alémaniques sont plus directs que les Romands.
Pas plus macho
Et la critique de machisme? «Disons que Castro ou Che Guevara ne sont pas précisément des modèles de féminisme», plaisante le président du PDC. «Il n'y a pas plus macho que Pfister», rétorque un élu socialiste, qui ajoute cependant: «Mais Carlo Sommaruga l'est aussi à sa manière, même s'il est idéologiquement féministe.»
La «trumpite» passagère de Gerhard Pfister ne serait donc qu'un coup de sang épidermique. A moins qu'elle ne soit le fruit d'une stratégie politique en vue des élections fédérales, une hypothèse de Manuel Tornare: «Le PDC veut peut-être se donner une attitude plus dure et Gerhard Pfister pousser un des siens sur un ticket de l'Entente au Conseil des Etats.» Sauf qu'il est des affronts qui se transforment en coups de pouce, quand l'offense conduit aux excuses. «A moins que les deux protagonistes se soient mis d'accord pour se faire un peu de pub avant la rentrée?» suggère en riant le PLR Benoît Genecand, devant un enfantillage qui sera tôt oublié.
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