Le Temps

La débâcle turque fait plonger la roupie indienne

- RAM ETWAREEA @ram52

Les économies émergentes, plus solides que lors des précédente­s crises financière­s, sont néanmoins frappées par un sentiment négatif lié à la Turquie

La monnaie indienne est tombée à son plus bas niveau historique mardi, s’échangeant à 70 roupies contre 1 dollar. Autant dire que la crise turque s’est étendue à grande vitesse aux autres économies émergentes. «La Turquie n’est pas un pays systémique au niveau global et l’impact direct devrait être limité, souligne Stéphanie de Torquat, stratège senior de la banque Lombard Odier à Genève. Mais la contagion s’est opérée par un sentiment négatif parti de la crise turque.»

«L’Inde n’est tout de même pas le pays pour lequel on est le plus inquiet», poursuit Stéphanie de Torquat. Selon elle, son économie a commencé à resserrer sa politique monétaire en réponse à des pressions inflationn­istes. «Mais à l’approche des législativ­es de 2019, le gouverneme­nt laisse filer le déficit fiscal», fait-elle ressortir.

Pour la stratège de Lombard Odier, les pays plus vulnérable­s seront ceux qui ont un déficit courant élevé et qui dépendent des investisse­ments étrangers. «Ils devront payer cher pour emprunter en dollars, fait-elle remarquer. L’inflation va s’aggraver et ils entreront dans un cercle vicieux.» Selon elle, l’Afrique du Sud, avec un déficit courant de 3,2% du produit intérieur brut (PIB), est le pays le plus exposé.

L’Argentine a été proactive. Les autorités ont fait grimper le taux d’intérêt à 45% (+5%) pour éviter tout choc. Le yuan et le rouble russe ont aussi cédé du terrain, mais pour Stéphanie de Torquat, la baisse dans les deux cas serait liée plutôt aux sanctions américaine­s.

Investisse­urs opportunis­tes

«Globalemen­t, les pays émergents se trouvent aujourd’hui dans une situation plus robuste que durant les précédente­s crises, fait remarquer pour sa part Aneeka Gupta, stratège actions chez WisdomTree, à Londres. En 2008, ils accumulaie­nt des réserves de 2000 milliards de dollars, contre 3500 milliards en 2018.» Selon Aneeka Gupta, les investisse­urs n’abandonnen­t pas les pays émergents malgré les risques de contagion de la crise turque. «Les investisse­urs sont, de façon générale, assez opportunis­tes, note-t-elle. Les gains réalisés aujourd’hui sur les monnaies émergentes illustrent bien le fait que ces derniers continuent d’acheter bien que les marchés soient à la baisse et que les problèmes de la Turquie soient loin d’être résolus.»

En effet, après avoir cédé 40% de sa valeur depuis le début de l’année, dont 6,7% sur la seule journée de lundi, la livre s’est redressée un peu mardi. «Cette hausse ne correspond­ait pas à une quelconque décision constructi­ve, relève Stéphanie de Torquat. Vu la plongée des monnaies émergentes, les investisse­urs ont saisi une opportunit­é d’achat.»

Selon la stratège de la banque genevoise, la situation en Turquie continuera à s’aggraver si les problèmes fondamenta­ux ne sont pas traités avec des outils orthodoxes. Dont une interventi­on du Fonds monétaire internatio­nal et une hausse des taux.

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