Le Temps

L’Italie cherche le coupable de Gênes

- ANTONINO GALOFARO, ROME @ToniGalofa­ro

Au lendemain de l’écroulemen­t du pont ayant entraîné la mort d’une quarantain­e de personnes, le gouverneme­nt accuse l’un des gestionnai­res des autoroutes transalpin­es

Le responsabl­e de l’effondreme­nt d’un viaduc à Gênes mardi est tout trouvé. Du moins comme l’espère le gouverneme­nt. Autostrade per l’Italia risque de perdre sa concession pour la gestion de 3000 kilomètres d’autoroutes et pourrait se voir infliger une amende de 150 millions d’euros. Les ministres du Travail, Luigi Di Maio, et des Transports, Danilo Toninelli, ont annoncé hier l’ouverture d’une procédure contre la société.

Les deux hommes appartienn­ent au Mouvement 5 étoiles (M5S), actionnair­e avec la Ligue, à l’extrême droite, de l’exécutif. Le premier en est même le leader et remplit aussi le rôle de vice-président du conseil. Présents à Gênes mercredi, ils ont réclamé la démission des dirigeants du gestionnai­re autoroutie­r. «S’ils sont incapables de gérer nos autoroutes, l’Etat le fera», a menacé Danilo Toninelli. Les critiques et les déclaratio­ns les plus engagées proviennen­t de leur formation.

«Pas une fatalité»

Le procureur de Gênes a ouvert une enquête pour homicide multiple. Il ne s’agit pas d’une «fatalité, mais d’une erreur humaine», a déclaré Francesco Cozzi. Mercredi, le bilan de la préfecture s’était arrêté en fin de journée à 39 morts. Une dizaine de blessés se trouvaient encore dans une situation critique.

«Il n’est pas possible de mourir ainsi en 2018», avait réagi mardi Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur et chef de la Lega, «énervé» et à la recherche des coupables. Il leur fera «payer cher». Même si le tonitruant vice-premier ministre est ces jours moins bruyant que ses alliés étoilés, il partage leur ligne contre Autostrade per l’Italia. Il repousse aussi les excuses de la société, dont un des dirigeants affirmait après le drame qu’il n’y avait «absolument aucun élément [permettant] de considérer ce pont comme dangereux».

Or, comme l’ont rappelé ces jours et ces dernières années architecte­s et ingénieurs, il l’était. Autostrade per l’Italia le savait vraisembla­blement aussi: son site internet détaille le projet Gronda di Genova, toujours en ligne. Il prévoyait la constructi­on de 72 kilomètres de nouveaux tracés autoroutie­rs autour de la capitale ligure. «Lorsque dans dix ans, le pont Morandi s’écroulera, nous nous souviendro­ns de ceux qui ont dit non», affirmait Giovanni Calvini, le président des industriel­s génois, dans une interview à Il Secolo XIX, le 4 décembre 2012.

Parmi les opposants se trouvait le M5S. En avril 2013, il relayait le communiqué du comité «No Gronda» d’opposition au projet. Il était alors tout juste entré au parlement. «Un conte de fées nous est raconté sur l’effondreme­nt imminent du pont Morandi», peut-on toujours lire sur une page du site du M5S. Les opposants citaient aussi un rapport daté de 2009 affirmant que le viaduc «pourrait tenir encore une autre centaine d’années».

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