Le Temps

Omarosa, le goût de la vengeance

L’ancienne collaborat­rice de Donald Trump règle ses comptes dans un livre au vitriol. Elle se comporte pourtant comme son ex-mentor, qu’elle a adulé

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, NEW YORK @VdeGraffen­ried

Elle a été licenciée quatre fois par Donald Trump. Trois fois dans son émission de téléréalit­é The Apprentice et une fois dans la vraie vie, celle de la Maison-Blanche. C’était en décembre dernier. Autrefois fascinée par le milliardai­re et son univers, Omarosa Manigault-Newman déverse aujourd’hui son fiel contre le président et son entourage. Son livre Unhinged («Déséquilib­ré») révèle surtout que l’ex-conseillèr­e de Donald Trump a décidément des méthodes qui ressemblen­t beaucoup à celles de son ancien patron.

«Une Maison-Blanche où tout le monde ment»

Omarosa Manigault-Newman, 44 ans, ne se contente pas de régler ses comptes. Elle accompagne la sortie de son livre d’une campagne de promotion agressive, qui lui a valu des tweets incendiair­es de Donald Trump, la traitant de «chienne» ou de «crapule». Elle vient par exemple de divulguer le contenu d’un enregistre­ment qui démontre que Lara Trump, une des bellesfill­es du président, lui a proposé, après son licencieme­nt, de l’engager de nouveau, pour 15 000 dollars par mois, dans le cadre de la campagne pour l’élection présidenti­elle de 2020. Mais à condition qu’elle ne révèle rien sur la famille Trump.

Omarosa a refusé l’offre. Selon le New York Times, elle aurait près de 200 autres enregistre­ments sous la main. La Maison-Blanche tremble. Omarosa a une dent particuliè­re contre le secrétaire général John Kelly, celui qui lui a notifié son licencieme­nt dans l’ultra-sécurisée Situation Room, comme le prouve un enregistre­ment rendu public avant la sortie du livre. Trump lui-même a fait mine de ne pas avoir été au courant du limogeage de sa conseillèr­e. Mascarade pour tenter d’atténuer le goût de la vengeance? La plongée dans l’univers Trump version Omarosa a quelque chose de vertigineu­x. Elle y décrit «une Maison-Blanche dans laquelle tout le monde ment». L’histoire ne dit pas si elle aussi a pris ce pli-là.

«Son déclin mental ne peut pas être ignoré»

Son goût prononcé pour les projecteur­s, la célébrité et le clinquant transpire dans chacune des pages. Personnage clivant, l’ambitieuse Omarosa a participé à plusieurs émissions de téléréalit­é (The Apprentice, The Surreal Life, The Big Idea, Celebrity Apprentice, ou encore Celebrity Big Brother), a travaillé au sein de l’administra­tion Clinton alors qu’elle s’estimait encore démocrate avant de s’engager, avec passion, pour Donald Trump, comme responsabl­e des relations publiques. Aujourd’hui, elle le qualifie de «raciste, intolérant et misogyne», elle qui a en quelque sorte été la caution «femme noire» de la Maison-Blanche, celle censée représente­r et défendre la minorité afro-américaine.

Pire, elle estime que son ex-mentor est mentalemen­t inapte à la fonction de président. Et assure avoir tenté d’alerter plusieurs de ses proches. «En regardant l’interview télévisée [à propos du limogeage de l’ex-patron du FBI], j’ai réalisé que quelque chose d’inquiétant se passait dans le cerveau de Donald», écrit-elle. «Son déclin mental ne peut pas être ignoré.» La Maison-Blanche réplique, furieuse de la violation du contrat de confidenti­alité qui la liait à ses employeurs. Elle l’accuse de se répandre en fausses allégation­s dans le seul but de gagner de l’argent. Donald Trump la traite de «méchante», de non-profession­nelle.

Dès le début de Unhinged, Omarosa évoque des enregistre­ments qui prouveraie­nt que le président des Etats-Unis a à plusieurs reprises prononcé, dans les coulisses de The Apprentice, ce que les Américains qualifient hypocritem­ent de «N Word». N pour Nigger, autrement dit «nègre». Donald Trump continue d’affirmer que ce mot ne fait pas partie de son vocabulair­e. Omarosa raconte aussi le comporteme­nt de Donald Trump et de ses fils lors de soirées «de travail» au manoir Playboy – «Plus vous vivez dans l’univers Trump, plus ce genre de chose vous paraît normal» –, évoque les deux armes que le président a souvent sur lui, et les plus de 8 canettes de Coca Light qu’il avale quotidienn­ement pour accompagne­r ses Big Mac et son Fried Chicken.

Fan d’Obama

Mariée à un pasteur, elle-même très active au sein de l’Eglise baptiste, Omarosa a eu une vie émaillée de drames. Un père assassiné alors qu’elle n’avait que 7 ans, un frère qui connaît le même sort en 2011. Un divorce, puis son compagnon, l’acteur Michael Clarke Duncan (La ligne verte), qui fait une crise cardiaque en 2012, dans leur lit, et meurt deux mois plus tard. Omarosa révèle en passant, sans aucune pudeur, qu’elle se remettait alors à peine d’une fausse couche.

Cette année-là, elle fêtait encore la réélection de Barack Obama. Devenue trumpienne, elle clôt aujourd’hui son brûlot en disant sa satisfacti­on d’avoir enfin «échappé au culte de l’univers Trump», comme une victime de secte qui se serait sortie des griffes de son gourou. «Je suis libre», écrit-elle. On ressent néanmoins une pointe de regret. A la page 164, Omarosa admet avoir vécu son «rêve américain» le jour de l’élection de Donald Trump. «J’étais sur scène avec […] tous ceux qui ont joué un rôle important dans sa victoire», écrit-elle. «Quand il a terminé son discours, Donald est descendu, a serré des mains et embrassé ceux qui étaient là. Quand il est arrivé vers moi, il m’a fait une accolade et m’a embrassée sur la joue. L’instant a été filmé et retransmis dans le monde entier.»

L’attrait de la lumière, des paillettes et de la médiatisat­ion, encore. La déroutante Omarosa, que l’on peut soupçonner d’aimer les polémiques comme un certain Trump, profite de nouveau d’être sur le devant de la scène, grâce à la promotion de son livre. Elle devra ensuite élaborer une nouvelle stratégie pour qu’elle puisse encore faire parler d’elle. Et tenter de satisfaire son ego et son insatiable opportunis­me.

«En regardant l’interview télévisée, j’ai réalisé que quelque chose d’inquiétant se passait dans le cerveau de Donald»

OMAROSA MANIGAULT-NEWMAN

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(SHANNON STAPLETON/REUTERS) Omarosa Manigault-Newman assure la promotion de son livre avec une campagne agressive.

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