Le Temps

Cocaïne, pétrole et multinatio­nales

- CORINE KIBORA, LAUSANNE

Lausanne est agitée par le deal de drogues qui se déroule dans ses rues, parfois à proximité des écoles. Un trafic notamment en mains de ressortiss­ants nigérians, comme cela a été mis en évidence dans l’enquête réalisée par le procureur vaudois Bernard Dénéréaz et par la nouvelle étude d’Addiction Suisse et consorts. Ces dealers sont majoritair­ement issus de l’ethnie igbo, de religion chrétienne, dans le sud-est du pays. Les chrétiens (les musulmans aussi) y subissent des exactions de la part du groupe islamiste radical Boko Haram. A ces conflits à connotatio­n religieuse se superpose la question du partage des ressources: représaill­es entre agriculteu­rs et éleveurs nomades ainsi sont courants. Le Nigeria est une des premières puissances économique­s africaines. Quelques très grandes fortunes et une pauvreté endémique. C’est que le Nigeria dispose de riches matières premières, comme le pétrole, lequel ne profite pas au peuple nigérian: il est exploité par des multinatio­nales telle Glencore, qui a son siège en Suisse et dont on sait le peu de souci pour l’environnem­ent, les droits humains et les arrangemen­ts avec les potentats locaux […]. La production et le trafic de drogues au niveau internatio­nal sont souvent liés à des économies en difficulté, comme une réponse à une pauvreté en partie engendrée par le commerce mondial, où quelques pays sortent leur épingle du jeu. Comme par hasard, ce sont ces mêmes pays qui sont les plus gros consommate­urs de drogues. Alors, si pour lutter contre le deal de rue, on soutenait l’initiative pour des multinatio­nales responsabl­es? Signer, c’est permettre aux ressources de rester au pays, c’est freiner le nombre de jeunes qui s’en vont et c’est, in fine, aussi réduire le deal de rue. ▅

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