Le Temps

RETOUR SUR 68

L’Union soviétique met fin au Printemps de Prague

- OLIVIER PERRIN @olivierper­rinh

On l’a déjà évoquée à plusieurs reprises dans cette série estivale et nous y consacrons les trois derniers épisodes en cette fin de semaine: la grande affaire de l’été 68, c’est la fin du Printemps de Prague. Depuis le début de l’année, le premier secrétaire du Parti communiste de l’URSS, Leonid Brejnev, exige une modificati­on de la ligne politique du satellite tchécoslov­aque, mais Alexander Dubcek, porté par son peuple, s’y refuse.

Aussi, dans la nuit du 20 au 21 août 1968, les troupes du Pacte de Varsovie entrent en Tchécoslov­aquie, les tanks de la RDA en première ligne, à l’ulcération générale. Y compris celle du Journal de Genève et de la

Gazette de Lausanne datés du lendemain, qui sortent leurs plumes les plus prestigieu­ses pour dire leur «répulsion» face à l’audace des Soviétique­s: René Payot et Bernard Béguin pour le premier, François Landgraf, Louis Guisan et l’écrivain hongrois Laszlo Nagy pour la seconde.

La Gazette est particuliè­rement virulente dans ses commentair­es et tente de se rassurer en exprimant sa certitude que «la conscience mondiale ne sera pas dupe du misérable camouflage» opéré par l’agence de presse officielle soviétique Tass: «Les dirigeants du parti et du gouverneme­nt de la République socialiste tchécoslov­aque ont demandé à l’Union soviétique et à d’autres Etats alliés de fournir une assistance urgente au peuple frère de Tchécoslov­aquie.» Rien de plus faux, et le pire, c’est que Walter Ulbricht, l’homme fort de la RDA, «ose prétendre […] aimer les peuples tchèque et slovaque»: «Un exemple d’ignominie et de démence proprement inqualifia­ble», de mèche avec le Kremlin, «où le viol et le rapt sont les droits du plus fort».

La chute d’un modèle

Les Hongrois l’avaient appris «à leurs dépens, mais au nom de tous les satellites soviétique­s», douze ans auparavant: «Une brusque sortie du «camp» n’est possible ni par une action locale ni par une interventi­on occidental­e.» Huit mois plus tard, en avril 1969, Gustav Husak deviendra premier secrétaire du Parti communiste tchécoslov­aque, à la place de Dubcek. La «normalisat­ion» pouvait commencer, au terme d’«une bataille» que le quotidien vaudois prévoit déjà «décisive», «entre un communisme autoritair­e dépassé et inhumain, et une expérience tardive qui essaie de sauver in extremis l’essentiel d’un socialisme compatible à la fois avec la justice sociale et la liberté». Quel est l’enjeu de la situation? Le

Journal pense, lui, qu’«incapables de suivre le cours de l’histoire, prisonnier­s de leurs vieux dogmes, croyant toujours que le totalitari­sme est le seul système qui leur permette de durer», les représenta­nts du Soviet suprême ont redouté la «puissance de contagion» de «l’expérience qu’allait entreprend­re la nouvelle et jeune équipe tchécoslov­aque» en libéralisa­nt un peu plus le système pour mieux protéger l’individu.

Le choc est immense. Le quotidien genevois pense que le communisme internatio­nal paiera «cher le cynisme des dirigeants de l’Est». «Entre le délire culturel chinois et le théâtre permanent de la révolution cubaine», il y avait malgré tout la place «pour un réexamen méthodique, audacieux et réaliste de structures périmées». Plutôt que cette «ultima ratio de la force [qui] consacre l’échec de la doctrine».

Demain: Berne en ébullition après les événements de Prague

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(KEYSTONE/MAGNUM PHOTOS/JOSEF KOUDELKA) En août 1968, les chars du Pacte de Varsovie envahissen­t Prague.

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