Le «duty free» de l’aéroport de Genève a connu un été extrêmement profitable
Les mois de juillet et août rivalisent désormais avec mars, historiquement le mois le plus profitable pour les boutiques de l’aéroport de Genève. Ce dernier gagne un franc sur cinq grâce au shopping des passagers
Dopé par le tourisme d’hiver et le Salon de l’auto, le mois de mars était historiquement le plus important de l’année pour les commerces de Genève Aéroport. Il représente un pic du nombre de passagers: 1,67 million en 2018, à comparer au 1,4 million de voyageurs dénombrés en décembre dernier, selon des statistiques provisoires de Cointrin.
«Durant l’été, les passagers sont plus locaux et donc moins dépensiers en général, compare Salvatore Mascali, président d’une association regroupant les boutiques de l’aéroport et administrateur de trois commerces qui comptent une centaine d’employés au total. La clientèle d’affaires est très importante pour les produits de marque. Depuis environ cinq ans cependant, les mois de juillet et août sont devenus très bons.»
«Le mois de juillet voit le trafic évoluer de façon importante», confirme également Pascal Le Droff, directeur de Lagardère Travel Retail Suisse, précisant que de nombreux aéroports internationaux n’affichent pas de saisonnalité particulière. Après avoir remporté un appel d’offres l’an dernier, le géant français Lagardère dispose de sept boutiques duty free (hors taxes) totalisant 1640 m2 et d’une boutique de mode de 400 m2.
Concessions à durée déterminée
Les concessions commerciales font l’objet de soumissions régulières de la part de l’aéroport. «Les boutiques sont donc renouvelées ou fortement rafraîchies en général tous les cinq ans. Ce temps d’amortissement est court en comparaison des 8 à 10 ans qu’on compte en général pour une boutique», souligne Salvatore Mascali.
De plus, l’agencement des boutiques est réglementé par les normes anti-feu de l’aéroport, ce qui occasionne un surcoût d’environ 30%, selon le commerçant. Autres contraintes: le personnel doit montrer patte blanche et l’approvisionnement suit des règles de sécurité strictes, en particulier lorsque les marchandises sont introduites dans la zone «airside» (du côté des portes d’embarquement).
Les redevances des locaux commerciaux sont fixées d’après le chiffre d’affaires, avec un minimum garanti basé sur des budgets réalisés sur cinq ans. En fonction de la catégorie des produits, le ratio est plus ou moins élevé et peut dépasser 20% du chiffre d’affaires.
Un tiers de plus en dix ans
Entre 2007 et 2017, le total des redevances perçues par Cointrin est passé de 73 à 97 millions (+33%). La part qu’ils représentent dans les bénéfices de Genève Aéroport a cependant baissé de 24,7% à 20,7%, en raison de revenus aéronautiques dopés par l’augmentation du nombre de passagers.
«A Genève, les redevances aéronautiques ont profité ces dernières années d’augmentations tarifaires, ce qui accroît le différentiel avec la partie commerciale et se traduit donc par une croissance plus rapide des revenus aéronautiques que commerciaux, analyse par courrier électronique Pierre Germain, directeur commercial de Genève Aéroport. Ceci dit, la progression des redevances commerciales en valeur absolue reste régulière et solide, et constitue toujours une contribution essentielle aux résultats financiers de GA.»
Le travel retail (commerce dans les lieux de voyage) est en plein boom au niveau mondial, en particulier en raison de la hausse du nombre de voyageurs. Selon un rapport de Lagardère destiné aux investisseurs et s’appuyant sur des chiffres du Duty Free World Council, la croissance annuelle moyenne du travel retail est de 6,3%. Sans articuler d’objectifs au niveau suisse, Pascal Le Droff confirme que le volume prévisionnel des activités de sa filiale va «évoluer significativement».
Innover puis grandir
Les aéroports investissent pour répondre à ce marché en pleine croissance: celui de Lyon a notamment doublé sa surface commerciale l’an dernier et celui de Marseille s’apprête à les doubler d’ici 2022, avec l’ajout de 11 300 m2. A Genève, les surfaces commerciales «ne sont pas optimales aujourd’hui et feront l’objet d’agrandissement dans le cadre des projets futurs, mais pas avant les cinq prochaines années, précise Pierre Germain. Notre projet actuel d’agrandissement du terminal principal prévoit également de presque doubler la surface commerciale.»
En attendant d’étendre leurs activités, les commerces de l’aéroport déploient des stratégies pour augmenter les ventes. Depuis décembre, un service «Shop & Collect» permet de faire des achats avant de prendre un vol, puis de les récupérer au retour. «La dépense moyenne est deux fois supérieure à la vente classique et ce service est très apprécié par notre clientèle, relève Pascal Le Droff. Le tabac et les parfums-cosmétiques sont les deux premières familles de produits vendues dans le cadre de ce service.» Les parfums traditionnels, essentiellement constitués d’alcool, bénéficient d’une forte détaxe, de même que le tabac, les vins et les spiritueux.
«Certains voyageurs vont jusqu’à prendre un vol EasyJet pour Genève pour acheter de l’alcool et du tabac en restant dans le transit, complète Salvatore Mascali. De plus en plus, les aéroports sont devenus des centres commerciaux avec parking pour avions.»
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Entre 2007 et 2017, le total des redevances des locaux commerciaux perçues par l’aéroport de Genève est passé de 73 à 97 millions (+33%).
«Notre projet actuel d’agrandissement du terminal principal prévoit également de presque doubler la surface commerciale» PIERRE GERMAIN, DIRECTEUR COMMERCIAL DE GENÈVE AÉROPORT