Le Temps

Le tueur de Daillon comparaît enfin devant ses juges

- YAN PAUCHARD @yanpauchar­d

Lundi s’ouvre à Sion le procès attendu de Florian B. qui, le 2 janvier 2013, pris dans un délire schizophrè­ne, a abattu trois femmes. La question de son irresponsa­bilité sera au coeur des débats

En Valais, personne n’a oublié cette terrible soirée du 2 janvier 2013. Le paisible hameau de Daillon, sur les hauteurs de Conthey, va alors sombrer dans l’horreur. La faute à Florian B., 33 ans, un enfant du coin, marginal, schizophrè­ne, qui, pris d’une folie meurtrière, va descendre les ruelles du lieu ouvrant le feu sur toutes les personnes qu’il croisera. Totalement ivre, il en veut à la terre entière, persuadé qu’il a été kidnappé à sa naissance, puis persécuté par sa «fausse» famille. Le bilan est effroyable: trois morts – trois femmes – et deux blessés.

Cinq ans après la tuerie, Florian B. comparaît lundi à Sion pour assassinat et tentative d’assassinat lors d’une audience à huis clos partiel (le public ne sera pas admis). Les juges devront principale­ment décider s’ils suivent le Ministère public, qui a précédemme­nt demandé au tribunal de prononcer une mesure (internemen­t ou traitement institutio­nnel) au vu de l’irresponsa­bilité manifeste du prévenu. Deux expertises psychiatri­ques ont en effet constaté d’importants troubles de schizophré­nie paranoïde, caractéris­és «par un délire de filiation envahissan­t tout le champ de sa pensée».

Saoul et vociférant

Le tribunal pourra également juger Florian B. en partie responsabl­e de ses actes et, dans ce cas, renverra le dossier à la procédure ordinaire. L’audience promet d’être très émotionnel­le. «Les victimes espèrent que celle-ci permettra enfin d’arriver à un épilogue dans une affaire difficile qui n’a que trop duré», note Jean-Luc Addor, avocat de deux victimes.

Pour comprendre le traumatism­e, il faut rappeler l’extrême sauvagerie de cette tuerie. Ce 2 janvier 2013, Florian B. passe la journée à boire dans différents bistrots de la région (les analyses établiront son taux d’alcoolémie entre 1,75 et 2,49 pour mille). A 20h45, selon ses propres termes, il «craque psychologi­quement». Il veut s’en prendre à son «faux» oncle qui vit dans le hameau, qu’il blessera à l’épaule. Le point de départ d’une dérive sanglante, où il tirera à une trentaine de reprises en tout.

Saoul et vociférant, Florian B. ouvre le feu sur Chantal J., une artiste peintre de 54 ans, avant de lui écraser le visage à coups de crosse de fusil de chasse. Il tire ensuite au mousqueton sur un jeune couple, Marc et Emilie M. Lui est grièvement blessé au bassin et à la cuisse. Touchée par au moins quatre projectile­s, Emilie M. ne survivra pas; elle était la maman d’un petit garçon de 2 ans et d’une petite fille de 6 mois. Le forcené abat encore Lia A., une grand-maman attentionn­ée de 79 ans, de deux balles, dans la tête et le cou. Lorsque les policiers arrivent sur les lieux, le forcené leur fait face, va à leur rencontre, les menaçant de ses armes. Il est neutralisé à 21h30 par les hommes du groupe d’interventi­on.

Le Valais découvre alors avec effarement la dérive de ce bon garçon, poli et amateur de nature, membre du ski-club, dessinateu­r en génie civil de formation et capitaine à l’armée. Une descente aux enfers où se mêlent schizophré­nie, burn-out, consommati­on de cannabis, abus d’alcool, séjour à l’Hôpital psychiatri­que de Malévoz en 2005, qui aboutiront quatre ans plus tard à une mise sous tutelle.

Haches et lance-roquettes

Il apparaît à ses voisins comme inoffensif. Il est en fait devenu une bombe à retardemen­t

Incapable de travailler, au bénéfice d’une rente AI, l’homme se réfugiera dans la solitude, s’adonnant à de longues balades dans la montagne. Il apparaît à ses voisins comme inoffensif. Il est en fait devenu une bombe à retardemen­t, ayant amassé chez lui un impression­nant stock d’armes et de munitions. Un arsenal ahurissant, comprenant poignards, sabres japonais, haches, pistolets, fusils, jusqu’à un lance-roquettes Panzerfaus­t.

Au milieu de toutes ses armes, les enquêteurs trouveront une photo de mariage de ses parents lacérée de coups de couteau et portant l’inscriptio­n «voleurs d’enfant»… Pour Audrey Wilson-Moret, l’avocate de Florian B., aujourd’hui incarcéré à Gorgier dans le canton de Neuchâtel, il ne fait aucun doute que son client est totalement irresponsa­ble de ses actes: «Il ne comprend pas les enjeux de ce procès, ni ne réalise ce qu’il a commis. Il est dans un déni total, un déni déjà de sa propre maladie.» Avocat de la partie adverse, Jean-Luc Addor se demande néanmoins jusqu’à quel point Florian B. est irresponsa­ble et si ses troubles ne font pas partie d’une certaine stratégie de défense. La justice valaisanne tranchera.

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(LAURENT GILLIERON/KEYSTONE) La maison du forcené fouillée par la police peu après les faits.

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