La nouvelle pilote de la science face à trois défis
Première femme nommée à ce poste, la future secrétaire d’Etat à la Formation, à la Recherche et à l’innovation Martina Hirayama reste prudente sur ses futures options. Elle devra affronter l’inquiétude des chercheurs face à la tourmente européenne
D’abord, dans les prochains mois, elle accomplira «un perfectionnement intensif en français», un effort «nécessaire dans le cadre fédéraliste suisse», lance l’Alémanique Martina Hirayama, qui prendra en janvier la tête du Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (Sefri). L’intéressée semble pourtant parler plutôt correctement cette langue. Mais la haut fonctionnaire, présentée aux médias jeudi par Johann Schneider-Ammann, veut bien faire: pour justifier sa victoire, elle égraine précisément son parcours, des études de chimie à l’Université de Fribourg à l’une des directions de la Haute Ecole spécialisée de Zurich.
Le Sefri est une administration aussi discrète que puissante. Ses 4,2 milliards de francs de budget comprennent avant tout les EPF de Zurich et Lausanne, ainsi que plusieurs instituts de recherche. Le Sefri chapeaute la formation professionnelle, les hautes écoles spécialisées ainsi que l’aide fédérale aux universités. En place depuis 2008, le Tessinois Mauro Dell’Ambrogio prendra sa retraite en novembre.
La numérisation, un enjeu stratégique
Pour Johann Schneider-Ammann, la personne appelée à occuper le poste devait se singulariser sur trois points centraux: le renforcement du réseau de formation suisse, un «engagement total» pour le défi de la numérisation et «la proximité avec les PME». Ce dernier thème n’étonne guère: le ministre de l’Economie n’a jamais caché son affection pour la formation professionnelle dans le système dual. La mise en avant des enjeux du numérique est plus stratégique: depuis quelques années, notamment aux Chambres, des voix s’élèvent pour réclamer une coordination forte dans ce domaine, certains jugeant même nécessaire de se doter d’un Secrétariat d’Etat au numérique.
Martina Hirayama prend la balle au bond. «La numérisation est une chance et un défi. Nous avons besoin d’infrastructures efficaces et durables, ainsi que d’une large offre de formation, y compris dans la formation continue», lance-t-elle.
Des béquilles pour postuler aux concours de l’UE
Ce sera l’un de ses premiers chantiers. Mais il en est un autre, bien plus explosif – elle se garde d’ailleurs de trop s’exprimer sur ce sujet à ce stade: les relations avec l’UE. Depuis la crise de 2014, après l’acceptation de l’initiative «Contre l’immigration de masse», les instances fédérales, surtout le Fonds national suisse de la recherche scientifique, ont réussi à fabriquer des béquilles pour que les scientifiques suisses puissent toujours postuler aux concours de l’UE, et surtout aux lucratives bourses du Conseil européen de la recherche. Lors du dernier pointage en date, en 2014, la Suisse figurait à la cinquième position des bénéficiaires, après le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et les Pays-Bas.
Or, dans le maelström actuel des relations entre la Suisse et l’UE, l’inquiétude grandit au sein des milieux scientifiques. Un échec de l’accord-cadre souhaité par le Conseil fédéral sonnerait le glas de la participation suisse, autant dire une catastrophe pour le secteur. A cette heure, à côté d’un Johann Schneider-Ammann comme accablé par la perspective des semaines et mois à venir, Martina Hirayama se contente de dire que «le dossier est entre les meilleures mains». Comme pour retenir son souffle.
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