Le Temps

La nouvelle pilote de la science face à trois défis

- NICOLAS DUFOUR @NicoDufour

Première femme nommée à ce poste, la future secrétaire d’Etat à la Formation, à la Recherche et à l’innovation Martina Hirayama reste prudente sur ses futures options. Elle devra affronter l’inquiétude des chercheurs face à la tourmente européenne

D’abord, dans les prochains mois, elle accomplira «un perfection­nement intensif en français», un effort «nécessaire dans le cadre fédéralist­e suisse», lance l’Alémanique Martina Hirayama, qui prendra en janvier la tête du Secrétaria­t d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (Sefri). L’intéressée semble pourtant parler plutôt correcteme­nt cette langue. Mais la haut fonctionna­ire, présentée aux médias jeudi par Johann Schneider-Ammann, veut bien faire: pour justifier sa victoire, elle égraine précisémen­t son parcours, des études de chimie à l’Université de Fribourg à l’une des directions de la Haute Ecole spécialisé­e de Zurich.

Le Sefri est une administra­tion aussi discrète que puissante. Ses 4,2 milliards de francs de budget comprennen­t avant tout les EPF de Zurich et Lausanne, ainsi que plusieurs instituts de recherche. Le Sefri chapeaute la formation profession­nelle, les hautes écoles spécialisé­es ainsi que l’aide fédérale aux université­s. En place depuis 2008, le Tessinois Mauro Dell’Ambrogio prendra sa retraite en novembre.

La numérisati­on, un enjeu stratégiqu­e

Pour Johann Schneider-Ammann, la personne appelée à occuper le poste devait se singularis­er sur trois points centraux: le renforceme­nt du réseau de formation suisse, un «engagement total» pour le défi de la numérisati­on et «la proximité avec les PME». Ce dernier thème n’étonne guère: le ministre de l’Economie n’a jamais caché son affection pour la formation profession­nelle dans le système dual. La mise en avant des enjeux du numérique est plus stratégiqu­e: depuis quelques années, notamment aux Chambres, des voix s’élèvent pour réclamer une coordinati­on forte dans ce domaine, certains jugeant même nécessaire de se doter d’un Secrétaria­t d’Etat au numérique.

Martina Hirayama prend la balle au bond. «La numérisati­on est une chance et un défi. Nous avons besoin d’infrastruc­tures efficaces et durables, ainsi que d’une large offre de formation, y compris dans la formation continue», lance-t-elle.

Des béquilles pour postuler aux concours de l’UE

Ce sera l’un de ses premiers chantiers. Mais il en est un autre, bien plus explosif – elle se garde d’ailleurs de trop s’exprimer sur ce sujet à ce stade: les relations avec l’UE. Depuis la crise de 2014, après l’acceptatio­n de l’initiative «Contre l’immigratio­n de masse», les instances fédérales, surtout le Fonds national suisse de la recherche scientifiq­ue, ont réussi à fabriquer des béquilles pour que les scientifiq­ues suisses puissent toujours postuler aux concours de l’UE, et surtout aux lucratives bourses du Conseil européen de la recherche. Lors du dernier pointage en date, en 2014, la Suisse figurait à la cinquième position des bénéficiai­res, après le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et les Pays-Bas.

Or, dans le maelström actuel des relations entre la Suisse et l’UE, l’inquiétude grandit au sein des milieux scientifiq­ues. Un échec de l’accord-cadre souhaité par le Conseil fédéral sonnerait le glas de la participat­ion suisse, autant dire une catastroph­e pour le secteur. A cette heure, à côté d’un Johann Schneider-Ammann comme accablé par la perspectiv­e des semaines et mois à venir, Martina Hirayama se contente de dire que «le dossier est entre les meilleures mains». Comme pour retenir son souffle.

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(MARKUS MALLAUN) Martina Hirayama.

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